Qui dit nord de l’Albanie dit haute montagne. Et qui dit haute montagne albanaise dit généralement passage par Shkodër, la grande ville du coin. Du moins, notre boucle vers Valbona et Theth en bateau-rando-bus partira d’ici et repassera par là.
Nous découvrons à Shkodër une bourgade nonchalamment posée à proximité d’un grand lac qui porte le même nom. Et puisqu’il n’y a pas le feu au lac, nous nous choisissons de nous fixer ici pour quatre nuits. L’occasion de passer du temps dans un élégant centre-ville albanais, d’explorer les environs à vélo et de boire quelques cafés en terrasse. Ainsi que quelques rakis… en grimace !
Un centre-ville qui titille les narines
Nous faisons rapidement connaissance avec un bel alignement de maisons cossues qui tient office de centre-ville. Entre les façades fraîchement repeintes, les lampadaires désuets et les pavés bien ordonnés, nous nous croyons débarqués dans un décor de cinéma. Un peu plus et nous apercevons l’actrice principale surgir d’un joli porche, monter dans une calèche et s’enfuir au galop.
Mais les murs sonnent plein et les tee-shirts LC Waikiki ont remplacé les robes d’époque. Reste un puissant parfum de… parfum. Pour une raison que nous n’expliquons pas, peut-être parce que Shkodër rime avec odeur, cette ville déborde de parfumeurs qui inondent les rues de leurs volutes chanelesques, dioresques ou pacorabannesques.
Sans aucun lien apparent, Shkodër est également la ville des vélos. Les Scodriens de tout âge défilent autour de nous sur leurs bicyclettes, les posent où cela les arrange et ne les attachent que rarement. Les villes de cyclistes gagnent immédiatement mille points dans notre classement !
Plus loin, la rue piétonne se prolonge en une allée verdoyante aux bancs bien rentabilisés, sous le regard d’une haute mosquée et de sa paire de minarets immaculés.
Toute élégante que soit la mosquée, elle se fait voler la vedette auprès des touristes par une église catholique à la décoration très simpliste. L’habit ne faisant ni le moine, ni l’évêque, nous apprenons qu’il s’agit plus exactement d’une cathédrale. La cathédrale la plus basique que nous ayons jamais croisée. Sa réaffectation en gymnase durant l’ère communiste y est peut-être pour quelque chose.
Malgré cela, nous approchons tandis qu’une messe se termine et c’est un long défilé de Polonais et d’Italiens que les dernières notes d’orgue poussent dehors. Apparemment, Shkodër fait l’objet de nombreux pèlerinages, notamment sur les traces de Mère Teresa dont les origines albanaises font la fierté du pays. Ce qu’on appelle être en Shkodër de sainteté.
En déviant des rues centrales, l’ambiance se popularise : des magasins de balais ou de byreks, des Mercedes fatiguées sous les platanes, mais toujours autant de vélos. Notre logement étant agrémenté d’une cuisine, nous achetons nos légumes directement dans la rue, à des habitants qui étalent leurs maigres récoltes sur un bout de trottoir. Nos trois-quatre mots d’albanais ne nous auront jamais autant servi !
En revanche, même après trois semaines en Albanie, nous nous faisons encore avoir comme des débutants en sortant l’après-midi. À l’heure de la sieste, les rues si bondées le matin sont désertes et même les innombrables bicyclettes ont pris la poudre d’escampette.
Nous en profitons pour visiter le musée Marubi de la photographie, du nom d’une lignée de « gens-qui-te-font-croire-que-le-petit-oiseau-va-sortir » albanais, ayant légué des kilomètres de vieux clichés. Les bouilles et les tenues d’époque sont incroyables, mais nous recommandons surtout le musée aux amateurs d’histoire et de photographie car le prix d’entrée est un peu élevé (700 leks).
Lorsque nous ressortons, les Albanais sont revenus comme par magie. C’est même l’heure la plus chouchoubidounette, celle où les papis se promènent avec un petit-fils ou une petite-fille derrière le guidon.
À la conquête du château de Shkodër
Deux jours plus tôt, en approchant de Shkodër en bus, une citadelle passait devant notre fenêtre et nos yeux aux aguets. C’est à pied que nous choisissons de revenir en arrière pour rendre visite aux vieilles pierres.
En quarante-cinq minutes, nous longeons la route principale, perdons quelques gouttes de sueur dans la montée, payons les 200 leks de droit d’entrée pour découvrir… de vieilles murailles et beaucoup d’herbe.
En revanche, le panorama est un tableau de maître à 360° : un horizon crénelé de collines et de montagnes, une vue sur la confluence des deux rivières et un village suspendu au bout d’un pont. C’est une surprise à la hauteur de la hauteur.
Sans oublier le lac de Shkodër tout là-bas, que l’astre fada enflamme de mille carats.
Nous recommandons fortement de viser une demi-heure avant le coucher de soleil. D’autant que les horaires indiqués à l’entrée de la citadelle (19h) semblent sujets à négociation l’été. Nous avons repéré de nouveaux arrivants jusqu’à 20h15.
Cette visite du château s’enchaîne à merveille avec un dîner dans l’un des nombreux restaurants qui bordent la rivière. Sur une promenade piétonne intitulée Shëtitorja e Molos, le tout Shkodër débarque les soirs d’été et de weekend pour se détendre, prendre un verre et… faire du vélo évidemment. Nous n’aurions pas cru au succès de ce quartier, loin du centre, si nous ne l’avions pas vu de nos propres mirettes !
Balade le long du lac de Shkodra à vélo
Les cyclistes nous donnent des idées, tout comme le coucher de soleil mémorable de la veille. Il faut que nous nous échappions de Shkodër pour l’admirer de plus près.
En fin d’après-midi, nous louons donc des vélos et nous élançons à l’assaut des berges du lac, la fleur aux dents, le pique-nique au porte-bagage. Et les genoux au menton, tant nos selles sont basses, mais ce n’est qu’un détail. Nous traversons le vieux pont, puis trouvons la petite route qui serpente entre la montagne et le lac en direction de la frontière du Monténégro.
La balade est superbe. Nous traversons quelques villages, saluons les baigneurs sur les plages de galets, croisons d’autres cyclistes et respirons à pleins poumons, même si occasionnellement, il faut bien le dire, quelques odeurs d’égout dégoûtent. Nous préférions finalement la rue des parfumeurs !
Nous poussons jusqu’à Zogaj, à onze kilomètres de Shkodër, dernier village avant la frontière. Durant la dictature, le gouvernement albanais craignait tellement la fuite de ses citoyens que Zogaj s’est retrouvé interdit d’accès, isolé de la civilisation. L’ambiance de bout du monde est restée. Il ne s’y passe pas grand-chose, si ce n’est un ponton pour la pêche, quelques maisons, un café et deux messieurs hilares qui tiennent à nous raconter des blagues. Nous n’avons absolument rien compris, mais nous repartons pliés sur nos bécanes.
Sur le chemin du retour, le ciel s’empourpre. Le moment est tout choisi pour casser la croûte, avec les noires montagnes du Monténégro qui nous font de l’œil en arrière-plan. Il se pourrait bien que nous leur rendions visite un jour !
À la nuit tombée, nous sommes embêtés : un seul de nos vélos est éclairé. Inquiétude de courte durée puisqu’autour de nous la norme est plutôt à l’absence de lumière. Les voitures doivent y être habituées. Nous évitons tout de même la grosse route en repassant par la Shëtitorja e Molos, toujours aussi bondée, puis en longeant des ruelles calmes jusqu’à notre logement.
Notre avis sur Shkodër
Voici encore une étape qui nous aura bien plu. N’hésitez pas à y prévoir un peu de temps avant de foncer vers les montagnes du nord. Plus que la ville, nous avons adoré profiter de la nature environnante, surtout en pédalant, vous l’aurez compris !
Conseils pratiques pour visiter Shkodër en Albanie
Transports de Tirana à Shkodër
Les bus partent de Tirana chaque heure de 7h à 11h, puis toutes les 45 minutes jusqu’à 17h. Ils sont grands et climatisés, coûtent 400 leks et déposent à bon port en 2h10. Le départ se fait depuis le terminal nord, situé très exactement ici.
Se loger à Shkodër
Nous avons choisi la maison d’hôtes Lille France Apartments pour ses bons avis et n’avons pas été déçus (~30€ pour un studio en plein centre, infos et réservation icii). Ne nous demandez pas pourquoi ce nom franchouillard, la gérante très sympa ne parle pas français ! En revanche, elle gardera sans problème vos affaires si vous comptez réaliser comme nous le trek entre Valbona et Theth, puis revenir récupérer vos sacs à Shkodër.
Restaurants
Pour dîner, nous avons adoré les plats italiens raffinés de Pasta te Zenga. En plus, le serveur était tout heureux de croiser des Français pour dépoussiérer un peu son vocabulaire.
Pour un excellent petit déjeuner, le Café Stolia tout cosy n’a pas son pareil. Nous avons cru que la belle décoration était destinée à attirer les touristes étrangers mais pas du tout, il n’y a que des locaux. Les choix sont excellents, le service est au top.
Louer des vélos
Nous sommes passés par notre guesthouse, qui utilise en fait elle-même les services de l’agence de location voisine. Tarif : 700 leks la journée. Sinon, plusieurs autres loueurs existent en ville.
Bonus artistique
Nous parachevons cet article sur ce parfait chef-d’œuvre d’art abstrait exposé en pleine rue !