Berat en Albanie : un château et mille fenêtres

Que se passe-t-il en mer Adriatique ? Par quel mystère ce bras de Méditerranée possède-t-il une eau d’un pareil turquoise ? Même les remous à l’arrière du ferry qui nous mène de la région des Pouilles en Italie jusqu’aux côtes de l’Albanie font surgir un ensorcelant bleu cyan. C’est ainsi qu’un matin de juillet nous atteignons le port de Durrës, peuplé de géants de béton sur fond de collines verdoyantes. Mais nous ne nous y attardons pas pour le moment et partons vadrouiller dans le sud du pays. Cap sur une autre ville, à une centaine de kilomètres : Berat !

Traversée de l'Adriatique entre Italie et Albanie

 

Premières heures en Albanie

Les premiers pas dans un nouveau pays nous amusent toujours beaucoup. Les yeux écarquillés, nous activons le radar à détails et le détecteur de singularités : l’agent de l’immigration nous accueille avec un sourire jusqu’au képi, six vieilles Mercedes s’alignent sur le parking à taxis, les bâtiments arborent tous une couleur différente, la vendeuse de carte SIM nous partage ses conseils touristiques, des hordes d’autres Mercedes circulent… Tiens, un restaurant propose des omëletë et sallatë à côté d’un garázh à voitures, nous pourrons peut-être comprendre quelques mots d’albanais !

Dessin : les Mercedes sont partout en Albanie !

Et il fait chaud. Très chaud. La météo prévoit un pic à 39°C dans la journée. Un espoir de fraîcheur nous traverse en remarquant l’autocollant « CLIMABUS » sur le bus vers Berat… il est rapidement dissipé après le démarrage. Le vieil engin n’a plus de climatisation depuis longtemps et les fenêtres ne s’ouvrent pas. Cela donne le ton, l’été albanais est torride !

Terminal de bus à Durrës, AlbaniePublicité mensongère sur un bus albanais

En un clin d’œil, notre sauna roulant quitte les immeubles pour s’enfoncer dans la campagne et ses collines. Nous imaginions l’Albanie comme une contrée aride et maquisarde, elle est verte et bucolique. Pas non plus d’enfilades de ronds-points, ni de zones commerciales à n’en plus finir comme dans le reste de l’Europe, juste des maisons dispersées et des minarets effilés qui percent de temps à autre.

Campagne albanaise : c'est vert

 

Loger au château de Berat (s’il vous plaît !)

Nous n’avons pas choisi Berat au hasard : cette ville est réputée l’une des plus belles d’Albanie. Et pour en profiter au maximum, nous logeons à l’endroit le moins pratique mais le plus spectaculaire : le vieux château qui surplombe la ville.

Plan de Berat en Albanie, avec les différents quartiers et le château

Nous vous arrêtons immédiatement, dormir dans le château de Berat ne signifie pas s’offrir une suite royale dans un palace. Ce château-ci ressemble davantage à des vestiges de fortifications, entre lesquelles un ravissant quartier s’est niché. Vignes et fleurs sauvages s’égaillent parmi les maisons de pierre et les vieux pavés des chemins.

Ruelle du château à Berat, Albanie

Passage dans le château à Berat, AlbanieMaison ottomane à Berat, Albanie

Ruelle de la ville de Berat en Albanie

Nous adorons les pays où les maisons d’hôtes sont nombreuses, soignées et bon marché. L’Albanie en fait partie. Nous passons ainsi deux nuits chez une accueillante famillei, dans la maison rénovée de leurs ancêtres.

À trois pas de notre logement, nous tombons sur une jolie chapelle orthodoxe, mise en valeur par les paysages alentour. À moins que ce ne soit l’église qui mette en valeur les paysages.

Église Saint-Théodore à Berat, Albanie

À force de longer les murailles parsemées de coquelicots, chardons fleuris ou autres roses trémières, nous atteignons le meilleur point de vue : une cascade de maisons blanches dévale la pente de la colline voisine, soulignée tel un grand sourire par un lacet de rivière turquoise. Il s’agit du quartier de Gorica, anciennement celui des Chrétiens.

Vue panoramique sur Berat en Albanie

Afin d’accompagner cette vue, nous nous bâfrons d’abricots juteux achetés au vendeur sur le banc d’à côté, qui en profite pour nous apprendre des expressions albanaises. Si vous n’avez de l’espace mémoire que pour un seul mot, retenez mirëdita (bonjour) !

Pour le dîner, nous restons au château et donnons sa chance à un restaurant riquiqui qui aligne quelques tables sur les pavés d’une ruelle biscornue : le Temi Albanian Food. Une grand-mère remplit les assiettes tandis que sa petite-fille, à l’anglais impeccable, fait le service. Résultat : nous démarrons notre découverte culinaire de l’Albanie par un festin de légumes dorés et de frites maisons à se rouler par terre jusqu’en bas de la colline. Et bon courage ensuite pour remonter le ventre plein.

Aubergines farcies et bière : repas albanais

À l’approche du coucher du soleil, ce quartier que nous pensions uniquement peuplé de rares touristes s’anime. Sur la place, les mamies sortent papoter et les enfants se chamailler.

 

Les vieux quartiers de Berat : Gorica et Mangalem

À grandes chaleurs, courtes nuits. Nous partons en promenade à l’aube et planifions un retour avant le petit déjeuner. Une douce lumière récompense les lève-tôt.

Vallée de Berat en Albanie

Nous cavalons jusqu’au pied de notre promontoire et nous approchons du vieux quartier Gorica aperçu la veille depuis la citadelle. D’ici, les maisons de style ottoman sont superbes. Nous comprenons mieux le surnom de la ville aux mille fenêtres, même s’il s’agit d’une traduction erronée. Les Albanais appellent en fait Berat la ville des « fenêtres sur fenêtres ». Dans tous les cas, les vitriers ne chôment pas.

Vélo à Berat, Albanie

Les Albanais se sont eux aussi levés au chant du coq. À 7h, ils sont déjà à vélo, à pied ou assis dans… d’anciens bus parisiens. Si le numéro de la ligne est resté, pas sûr que le terminus soit toujours l’Arc de Triomphe.

Bus RATP à Berat en Albanie

Les ruelles de Gorica sont typiques au possible. Quelques hommes s’attablent devant un café à la turque, des femmes se faufilent sous des ombrelles, le laitier remplit les bouteilles d’eau minérale vides qu’on lui apporte…

Ombrelle dans le quartier de Gorica à Berat

Si vous n’avez pas peur des ronces, un sentier repérable sur l’application Maps.me grimpe plus haut que les toits. En moins de trois minutes, vous obtenez une vue sur le quartier opposé, au pied de la colline du château. Il s’agit de Mangalem, l’ancien quartier musulman, tout aussi riche en fenêtres et en ruelles bosselées.

Vue sur Berat et ses maisons traditionnellesVille de Berat en Albanie

Avant de regagner notre nid d’aigle, nous jetons un coup d’œil au Musée Ethnographique (200 leks). Il s’agit ni plus ni moins d’une ancienne maison conservée dans son jus, pleine d’épais tapis de laine et d’explications sur le mode de vie de l’époque.

Musée ethnographique de Berat, Albanie

Si sa terrasse nous plaît bien, celle de notre guesthouse nous attend en haut de la colline. Nous la regagnons à la sueur de notre front (et de toutes les autres parties du corps), et savourons un petit déjeuner bien mérité.

Petit déjeuner albanais

 

Bulevardi, le Berat moderne

Certes les vieux quartiers ont du charme à revendre, mais le nouveau centre-ville de Berat mérite aussi quelques flâneries. En particulier le Bulevardi Republika, une longue et large promenade piétonne bordée d’arbres et de terrasses de cafés.

Xhiro à Berat, Albanie

Dès le matin, ces dernières sont pleines, tandis que les bancs ombragés servent de terrain de joute aux papis, qui écrasent à en fendre le plateau des pièces de dominos, échecs ou backgammon.

Papis jouant aux échecs à Berat

Il nous faut peu de temps pour trouver les Albanais vraiment très sympathiques, que ce soient les mamies curieuses ou les hommes à la voix caverneuse. Ils cherchent le contact, nous rendent service dès qu’ils le peuvent, s’exclament devant nos deux mots et demi d’albanais, puis repartent en nous laissant le sourire aux lèvres.

Dessin : homme qui nous souhaite la bienvenue en Albanie en français

Les locaux qui parlent français sont rares. Cependant, communiquer n’est pas si difficile. Nous sommes impressionnés par le niveau d’anglais des jeunes, y compris les enfants. Avec les plus âgés, c’est le vocabulaire italien qui fait mouche.

Berat en Albanie : église et mosquée

Leur dégaine nous plaît bien également. Malgré le pic de canicule, les petits vieux portent pantalons et souliers fermés, tandis que les femmes âgées se distinguent dans leurs robes ajustées, mises en valeur par des permanentes venues droit des années 80.

Habitant de Berat en Albanie

Plus encore qu’en journée, nous vous conseillons de découvrir le Bulevardi après 21h30 pour le xhiro, véritable institution dans le pays. Comme lors de la passeggiata en Italie ou du paseo en Espagne, toutes les générations se retrouvent pour déambuler, acheter des cornets de graines de tournesol, boire un verre, flirter… bref s’aérer un peu à la fraîche.

 

Notre avis sur la ville de Berat

Cette première étape donne le ton de notre séjour en Albanie. Nous sommes surpris par la beauté de Berat et des collines qui l’entourent, sous le charme de la culture et des traditions albanaises et séduits par l’accueil des habitants. Nous vous recommandons fortement cette ville !

Conseils pratiques pour visiter Berat

Comment venir à Berat depuis Durrës

Juste à côté du débarcadère des ferries se trouve le parking des « fourgons » (de petits bus publics). Nous en trouvons un qui se rend directement à Berat (durée 1h30, prix 400 leks de mémoire). Ceux-ci ne sont paraît-il pas nombreux. Si vous vous retrouvez dans un creux, prenez un bus vers Tirana et changez pour un second bus vers Berat, ces deux lignes sont censées être bien plus régulières.

Les bus ne vous déposeront pas dans le centre de Berat, mais à la gare routière 3km avant. Pas de panique, un bus effectue la liaison pour 30 leks et part toutes les 10 minutes. Ce que nous ignorions, c’est qu’il dessert assez bien tous les quartiers, sauf celui du château. Si vous choisissez d’y loger, prenez plutôt un taxi qui devrait vous demander 500 leks. Au retour, c’est le gérant de notre guesthouse qui nous a ramenés au terminal pour le même tarif, dans une vieille Merco, bien entendu.

Où dormir à Berat

Les maisons d’hôtes ne manquent pas dans Berat et vous n’aurez aucun mal à vous loger, y compris en haute saison. Nous avons opté pour la Kris Guesthouse, on ne peut mieux située dans le château. La sympathique famille habite la maison depuis quatre générations et l’entretient parfaitement. Notre chambre, la moins chère (~32€ petit déjeuner compris), était un peu sombre et humide car au rez-de-chaussée, visez plutôt les chambres du haut. Voir les disponibilités et réserver par icii.

Où manger

Notre restaurant préféré s’appelle Temi Albanian Food, situé dans le château. Tout est traditionnel, délicieux, copieux, cuisiné avec des produits frais et les prix sont doux. Ils offrent même de la pastèque en dessert !

Dans le quartier moderne, nous avons aussi apprécié Piccolo Grande Amore dont la carte est pour moitié faite de nourriture traditionnelle et pour l’autre moitié de pizzas, avec de nombreuses options végétariennes. L’ambiance est un poil plus chic que chez Temi, mais rien qui ne vous ruinera. Pour vous donner une idée des prix en Albanie, un copieux dîner nous revient à 7€ chacun. Le serveur nous offre du raki en fin de repas, l’alcool fort albanais. Eh bien ça réchauffe depuis le bout de la langue jusqu’au fond du gosier !