Chennai, une mégalopole qui n’en a pas l’air

Après avoir longtemps poursuivi vers le nord, nous faisons volte-face. Nous replongeons vers le sud, mais sur la côte est cette fois, dans l’État du Tamil Nadu. Notre première étape est Chennai, quatrième ville indienne, que vous connaissez peut-être sous son ancien nom Madras.

 

Bonne (buuuuurp) année !

Depuis Bijapur, Chennai n’est pas la porte à côté : 850km, deux trains et une trentaine d’heures de trajet au total. Une idée géniale germe dans nos têtes, celle de réaliser cette traversée pendant le changement d’année. L’occasion rêvée de nous faire des amis indiens dans le train de nuit et de rigoler jusqu’au lever du soleil !

Train réveillon 2019 en Inde

La réalité nous rattrape. À minuit, pas un seul cri de joie, pas une seule embrassade. Nos voisins de couchette regardent inlassablement des vidéos volume à fond, des mamans consolent leurs bébés en claquant de la langue, une nuit comme une autre dans l’ambiance surannée des trains couchette indiens. Si ce n’est qu’à quatre heures du matin, Mi-raison est réveillé par un énorme rot à vingt centimètres de son oreille. Bonne année !

 

Chennai : bienvenue chez les Tamouls

Pour une mégalopole indienne, nous trouvons Chennai un peu plus calme et aérée que ses consœurs. Les habitants semblent aussi plus relax. Est-ce dû à la culture tamoule ? À l’air marin ? À la nouvelle année qui débute ?

Rue tranquille à Chennai en Inde

Notre chauffeur de rickshaw s’arrête avec un sourire jusqu’aux oreilles : « Vous êtes les premiers clients étrangers de toute ma vie ! Il y a bien des touristes à Chennai, mais ils dorment dans de grands hôtels et se déplacent en groupe, je ne les vois jamais sur ma banquette arrière… ».

De notre côté, nous avons dégoté une auberge de jeunesse dans un quartier tranquille. Nous découvrons un peu surpris que la plupart des hôtes sont indiens. Rien à voir avec les Indiens croisés dans les petites villes précédentes. Ceux-là ont des looks d’Américains, un gros sac sur le dos, un ordinateur sous le bras et une bière à la main. Ils parlent de voyages en Australie et de création de startup.

Dessin : idée de startup en Inde

À pied, la ville est dans l’ensemble plutôt agréable à parcourir. Quoi que… ce sont peut-être nos exigences qui s’abaissent progressivement. En tous cas, nos premières impressions sont positives : les habitants nous proposent spontanément leur aide, les restaurants sont appétissants et les décorations de Noël parsèment encore les rues.

Vélo sur un scooter à Chennai, IndeChauffeur de tuk-tuk à Chennai, IndeEtoiles de Noël dans le Tamil Nadu, Inde

 

Temples et églises en vrac

Nous aimerions écrire à ceux qui nous suivront que Chennai possède des « incontournables », des monuments à ne manquer sous aucun prétexte, or ce n’est pas vraiment le cas. Nous ne nous ennuyons pas pour autant ! Le premier jour, nous nous lançons dans une promenade en direction de quelques édifices religieux.

Rue à Chennai, Tamil Nadu, Inde

Une rue indienne tout ce qu’il y a de plus typique. Ce bazar nous manquera un peu !

Nous visitons un premier temple, le Sri Ramakrishna Math. Nous commençons presque à comprendre les noms des temples. Sri est un titre honorifique souvent donné aux lieux sacrés ou aux dieux. Rama et Krishna sont justement deux dieux. Math est… euh… zut… une discipline scientifique ?

Le bâtiment est très sobre, pour un temple hindou du moins. Une grande salle solennelle, des murs épais et un autel, nous nous demandons presque si ses concepteurs ne se seraient pas inspirés d’une église, avant d’ajouter quelques touches d’exotisme.

Sri Ramakrishna Math, Chennai, Inde

Plus loin, nous rejoignons Kapaleeshwarar Temple, le temple le plus important de Chennai. Notre grande maîtrise des noms de temples nous aide à savoir que… euh… eh bien que nous ne sommes finalement pas du tout au point.

Ici, oubliez la sobriété. Faites place à l’excentricité puissance mille des temples tamouls : des pyramides dressées jusqu’au ciel, chargées de personnages et de scènes plus colorées qu’une matinée entière de dessins animés à la télé.

Temple Kapaleeshwarar à Chennai, Inde

Pourquoi de telles différences entre les temples ? Nous n’avons pas de réponse précise, mais nous finissons par comprendre que l’hindouisme peut revêtir une infinité de formes. Tenez, certains hindous sont pratiquement monothéistes, tandis que d’autres pourraient citer des milliers de dieux.

Pour éviter toute querelle, la Cour suprême indienne a composé une définition la plus évasive possible. Maligne, elle a pensé à ajouter qu’être hindou, c’est obligatoirement respecter toutes les autres formes d’hindouisme.

Nous traversons des quartiers de petites rues typiques, croisons quelques passants à vélo ou des marchands souriants. À Chennai plus qu’ailleurs, les gens plaisantent entre eux, se saluent joyeusement. Oh dites donc, un scooter freine même pour ne pas gâcher l’une de nos photos. C’est contraire à tout ce que nous pensions savoir du code de la route indien !

Vendeur de fleurs à Chennai en Inde

Changement total de religion, nous rendons visite à la Cathédrale Saint-Thomas. Pour une « cathédrale », nous nous attendons à une église un peu imposante, mais pas du tout, elle dépasse à peine celle d’un village français !

Eglise Saint-Thomas à Chennai en Inde

C’est davantage son histoire qui nous interpelle. Nous découvrons que Thomas, vous savez l’apôtre incrédule, aurait parcouru plus de six mille kilomètres après la mort de Jésus pour tenter de convertir l’Inde au christianisme. Sa tombe serait donc ici, dans la crypte de la microcathédrale. Nous préférons écrire tout cela au conditionnel parce que, bon, nous ne croyons que ce que nous voyons.

 

George Town, le quartier commerçant de Chennai

Le lendemain, nous nous rendons dans le quartier de George Town. À bord du bus, un adolescent curieux nous pose mille questions. Après les traditionnelles « D’où venez-vous ? » et « Êtes-vous mariés ? », il souhaite savoir si nous changeons de vêtements tous les jours. Il enchaîne même en demandant pourquoi Mi-raison ne s’habille pas mieux, c’est-à-dire en pantalon et chemise plutôt qu’en short et tee-shirt.

Dessin : en Inde, un ado demande à Mi-raison pourquoi il s'habille mal

Il est vrai que la chaleur n’empêche pas les Indiens d’être assez élégants : vêtements bien ajustés, chaussures cirées et peigne toujours à portée de main. Nous faisons tache !

George Town à Chennai, Tamil Nadu, Inde

Quelques indices nous laissent penser que George Town est un ancien quartier colonial de Chennai. Son nom « George », surtout, mais aussi le nombre d’églises qu’il héberge et le fort tout proche. Loin de s’être transformé en attraction à touristes comme Fort Cochin, il grouille aujourd’hui de boutiques bien indiennes où tout se vend : arrosoirs fluo, cuvettes de toilettes, machines à coudre… Tant que Chennai possèdera un tel quartier, la ville n’aura besoin d’aucun hypermarché !

Quartier de George Town à Chennai, Inde

Sur la carte, nous apercevons une Armenian Church. Intrigués, puisque nous étions en Arménie deux mois plus tôt, nous entrons. Bien nous en prend. Le gardien et conservateur du lieu n’est ni arménien, ni même chrétien, mais il s’est pris de passion pour l’édifice et nous raconte tout ce qu’il sait. Selon lui, il s’agit d’une église « au pouvoir très puissant si l’on est croyant ».

Église arménienne à Chennai, Inde

C’est aussi l’une des plus anciennes églises d’Inde. Plusieurs communautés de commerçants arméniens étaient profondément intégrées dans la société indienne lorsque les Portugais et Anglais sont arrivés avec leurs gros bateaux et leurs évangélistes. Il n’y a plus guère d’Arméniens à Chennai, juste quelques branches d’arbres généalogiques, mais notre guide s’applique tout de même à déposer des fleurs fraîches devant l’autel, comme il le ferait dans un temple hindou, et à faire sonner les cloches le dimanche. Bref, une halte qui repose au milieu de ce quartier agité !

Nous comptons ensuite nous approcher de la Cour de Justice, un splendide bâtiment qui dépasse des arbres juste en face de George Town. Les visites touristiques ne sont malheureusement autorisées que le dimanche.

Nous nous rabattons sur l’éminente Université de Madras, un bel exemple d’architecture indienne du XIXe siècle. Ne vous y arrêtez pas exprès, mais ouvrez l’œil si vous passez devant.

Université de Madras en Inde

 

Marina Beach, la longue plage de Chennai

Attendez, nous avons enfin trouvé un « incontournable » à Chennai : sa plage ! Non pas qu’elle soit particulièrement belle et propre, ni propice à la baignade à cause des courants, mais elle rassemble tout ce que nous aimons sur les plages indiennes au coucher du soleil.

Plage de Marina, Chennai, IndeMarina beach à Chennai, Tamil Nadu, Inde

Les Indiens viennent en famille à Marina Beach pour profiter de la brise, s’arrêter devant les petits stands de nourriture, tirer à la carabine sur des ballons ou placer leurs bambins sur de minuscules manèges à manivelle.

Plage Marina à Chennai en Inde

Et moi pendant c’temps-là, j’tournais la manivelle…

Pêcheur sur la plage de Marina à Chennai, IndeManège pour enfants à Marina Beach, ChennaiCoucher de soleil à Marina beach, Chennai

Nous craquons pour un jus de canne à sucre, gingembre et citron, un véritable nectar. Pensez juste à préciser que vous le préférez sans glaçons.

Jus de canne à sucre à Chennai, Inde

 

Finir en beauté (ou finir sourds ?)

Enfin, nous profitons de faire étape dans une grande ville pour nous rendre au cinéma. Sur les conseils d’un employé de notre auberge, nous choisissons le blockbuster du moment, Simmba. C’est l’histoire d’un policier bête et vantard, en hindi non sous-titré. Heureusement, les acteurs surjouent tellement les expressions que nous comprenons entre les lignes. Et comme dans tout film indien, l’histoire s’interrompt de temps à autre pour une chorégraphie géante, sans vraiment de lien avec le scénario.

Allez, nous ne résistons pas, voici l’une de ces fameuses danses :

Pendant la séance, la salle n’est pas en reste. Les spectateurs n’hésitent pas à bavarder (de toutes manières le son est tellement fort qu’il couvre tout), rire à gorge déployée, crier de joie, se balader et même… danser pendant les chorégraphies !

 

Notre avis sur Chennai

Vous l’aurez compris, Chennai manque un peu d’attraits, ce qui n’en fait pas une étape obligatoire lors d’un voyage en Inde du Sud. Cependant, si nous excluons quelques quartiers bruyants et embouteillés, nous l’avons trouvée zen et facile, surtout pour une mégalopole. C’est une bonne introduction au pays, si vous atterrissez ici.

Conseils pratiques pour visiter Chennai

Train de Bijapur à Bangalore

Nous sommes arrivés à Chennai depuis Bijapur avec un changement à Bangalore. Le train de nuit coûte 375 roupies en classe Sleeper et dure 15h (plus 3h de retard).

Train de Bangalore à Chennai

Nous avons réalisé ce trajet de jour, profitant d’un train intégralement en AC Chairs (sièges par rangées de 2 ou 3 personnes avec climatisation). Tarif 502 roupies, durée 6h.

Dormir à Chennai

L’auberge de jeunesse Zosteli nous a bien plu. Elle n’a qu’une seule chambre double (~26€), donc pensez à la réserver tôt. Sinon, le lit en dortoir est à 8€. Accueil très amical, bon wifi et quartier calme tout en étant relativement central.

Restaurants

Vous n’aurez aucun mal à vous nourrir dans cette grande ville. Nous avons beaucoup aimé Pumpkin Tales, qui sert des plats majoritairement asiatiques avec des saveurs originales. Si la France vous manque, commandez leur délicieux chocolat chaud et l’un des pains de leur boulangerie au rez-de-chaussée.

Voir un film à Chennai

Nous nous sommes rendus aux Sathyam Cinemas (du groupe SPI). Les tarifs varient suivant le film, le jour, l’heure et le fauteuil que vous choisissez (155 roupies dans notre cas). Il n’est hélas pas possible de réserver les places en ligne car les cartes bancaires étrangères sont rejetées. Et comme les salles sont vite pleines pour certains blockbusters, il est conseillé de se rendre sur place la veille et de réserver au guichet. Pensez à prendre des boules quiès et un bon pull !

Se déplacer dans Chennai

Les bus sont lents et bondés dans Chennai. Nous vous recommandons plutôt d’emprunter les rickshaws. L’appli Ola est bien pratique pour obtenir des prix sans arnaque et surtout pour ne pas avoir besoin d’expliquer où se trouve la destination. Enfin, il existe un métro tout neuf, idéal pour rejoindre l’aéroport, mais qui ne dessert pas encore beaucoup de stations dans le centre.