À force de monter vers le nord de l’Inde du sud, nous ne sommes plus très loin d’atteindre… l’Inde du centre. Nous arrivons à Bijapur, notre dernière étape dans l’État du Karnataka. Vous n’allez plus nous croire à force de le lire dans chacun de nos articles, mais Bijapur est encore une ville indienne dont le patrimoine nous coupe le souffle.
Curieusement, ce coin est peu couru des voyageurs étrangers. Nous croisons en tout et pour tout un autre couple d’Occidentaux en trois jours sur place. Chic, pensez-vous, un endroit peu touristique, hors des sentiers battus, peinard…
HA HA !
HA HA HA HA !
HA HA HA HA HA HA HA !
Vous oubliez les touristes indiens, tellement nombreux ! Et parce que nous n’aimons pas faire les choses à moitié, nous visitons Bijapur un weekend de vacances de fin d’année.
Sous les feux des projecteurs
Nous ne nous sommes jamais rêvés en stars. Et pourtant, à Bijapur, la célébrité nous tombe dessus, sans prévenir. Cela commence même un peu avant que nous n’approchions de la ville. Coincés pour une heure dans le minuscule terminal de bus d’un minuscule village, nous sommes au centre de l’attention. Les passants s’arrêtent, surpris, s’approchent de nous et nous fixent. Silencieusement.
À Bijapur, nos fans s’enhardissent et se transforment en fous du selfie ! Les demandes étaient déjà fréquentes depuis le début de notre voyage en Inde, elles atteignent ici des sommets. Nous découvrons le quotidien de Kim Kardashian ou Brad Pitt. Certains Indiens jouent même aux paparazzis en nous photographiant à distance. Que vont-ils bien pouvoir faire de toutes ces photos de nous ?
Gol Gumbaz, le mausolée de nos oreilles
La grande différence entre Bijapur et nos étapes précédentes est religieuse. Bijapur, qui fut longtemps la capitale d’un puissant sultanat musulman, relègue les temples hindous au second plan et déploie une vaste collection de monuments d’architecture typiquement islamique.
Nous commençons fort en rendant visite au plus imposant de tous, Gol Gumbaz (300 roupies). Qu’est-ce que c’est ? Un impressionnant mausolée, cube immense surmonté de l’un des plus grands dômes du monde. Nous n’en revenons pas de n’avoir jamais entendu parler de ce monument.
À peine pénétrons-nous dans le parc que nos fans se déchaînent et que les demandes de selfie affluent ! Au départ, nous sommes ravis, sauf qu’à ce rythme nous ne ferons rien de notre après-midi. Nous passons à la technique « Pac-Man » : dès qu’un smartphone approche, hop, nous bifurquons.
Arrivés au pied de Gol Gumbaz, nous découvrons une longue file d’attente qui, chose rare en Inde, est respectée. Sifflets en bouche et bâtons en main, les gardiens rappellent à l’ordre le moindre écart. Certainement d’anciens geôliers.
Cela n’empêche pas les trois cents gamins indiens du cortège d’avoir les yeux rivés sur nous et de crier « Hello » dès que nous tournons la tête.
Nous finissons par atteindre l’intérieur du mausolée et… NOM DE NOM !!! La file se poursuit tout autour de l’immense salle, bien alignée sous les coups de baguette, mais dans un brouhaha INCOMMENSURABLE ! Même en nous bouchant les oreilles, nos tympans frôlent la crise cardiaque.
Petite explication : le Gol Gumbaz est réputé pour son acoustique. Un murmure à un bout de la coupole s’entend, paraît-il, de l’autre côté. Sauf que les Indiens, gamins comme adultes, ont trouvé qu’il était beaucoup plus drôle de crier ou de siffler de toutes leurs forces. Et nous sommes facilement cinq cents enfermés dans ce caisson de résonance géant…
Cette épreuve terminée, nous accédons au toit du bâtiment via un petit escalier en colimaçon. La vue est superbe…
… et nos amis sont toujours aussi enthousiastes !
La méthode Pac-Man ne fonctionne plus sur l’étroite plateforme. Pour aller plus vite, nous prenons maintenant les demandes de selfies deux par deux, un inconnu de chaque côté. Sur une photo nous serons à droite de l’image, sur l’autre à gauche.
Oh… attendez… faites plutôt des photos entre vous, le soleil est en train de se coucher !
Petit intermède hindou
Le lendemain, nous sautons dans un rickshaw pour découvrir à trois kilomètres de Bijapur le temple Shivgiri. Une statue géante de Shiva y siège en pleine méditation.
Encore une fois, nous sommes étonnés de constater que les Hindous n’ont aucun problème à lier religion et divertissement. Shivgiri est en réalité bien plus un mini parc d’attraction qu’un temple, avec des dizaines d’autres statues, des bancs, des manèges de fête foraine pour enfants et des boutiques de souvenirs.
Gare à ne pas marcher sur le gazon, car ici aussi le gardien est un ancien maton.
Cinq minutes suffisent à en faire le tour. Tarif : 10 roupies + 20 roupies pour l’appareil photo.
Nous nous mordons les doigts d’avoir laissé repartir notre rickshaw et nous retrouvons au milieu de rien. Un autocar qui passait par là accepte de nous prendre en stop. À l’intérieur… des fans ! Un groupe d’étudiants en voyage organisé que notre apparition rend hystériques ! En échange du service, nous leur devons bien quelques selfies. La séance photo se transforme rapidement en embouteillage géant dans le couloir central du bus.
L’ancien centre-ville de Bijapur
La carte de Bijapur étant bombardée de noms de monuments, nous nous lançons dans ce que nous espérons être un joli tour des vestiges du centre. Hélas, même avec le Lonely Planet dans une main et Google Maps dans l’autre, nous ne trouvons pas la moitié des monuments. Dommage, car la ville semble posséder un sacré patrimoine : des ruines grandioses par-ci, une mosquée défraîchie par-là, des morceaux de murailles un peu partout…
Après la recherche infructueuse d’un hypothétique fort, nous jetons Bob (l’éponge) et nous dirigeons vers le clou du spectacle…
Ibrahim Rauza
Les sultans de Bijapur misaient décidément tout sur leurs dernières demeures. Ici nous avons droit à deux mausolées pour le prix d’un, et non des moindres.
Si ces deux chefs-d’œuvre vous rappellent le Taj Mahal, c’est normal. L’emblématique monument indien s’est librement inspiré de l’architecture islamique d’Ibrahim Rauza.
Un coup de peinture ne ferait pas de mal, mais au prix du billet pour les Indiens, cela risque de prendre un certain temps (25 roupies). Comme souvent, le tarif est plus élevé pour les étrangers (300 roupies), mais avec quatre touristes par jour, cela ne paye même pas les pinceaux !
Que se passe-t-il à l’intérieur du monument ? Eh bien, comme d’habitude, nous essayons tant bien que mal de le visiter, entre les coucous et les demandes de selfies. Sacrés Indiens, ils vont nous manquer !
Autant Gol Gumbaz était colossal, autant les mausolées d’Ibrahim Rauza s’apprécient pour la finesse de leurs détails : arabesques, demandes de selfies, arches délicates, re-demandes de selfies, frêles minarets…
En quittant Ibrahim Rauza, nous marchons un peu, heureux de traverser un quartier plus piéton que le centre. Il est plus pauvre et plus sale aussi, mais nous nous amusons bien avec ses habitants surpris de nous voir !
Notre avis sur Bijapur
Cette ville n’est certainement pas la plus agréable pour flâner, la faute aux voitures et au bruit. En revanche, ses habitants (ainsi que les touristes indiens dans les monuments) sont les plus joyeux et enthousiastes que nous ayons croisés en Inde. Quant aux mausolées, vous l’aurez compris, ils valent douze fois le détour.
Épilogue
Le dernier soir, devant un distributeur de billets, le gardien de la banque approche timidement…
Conseils pratiques pour visiter Bijapur
Transports de Badami à Bijapur
La meilleure option semble être un train direct à 6h10 du matin. Vérifiez l’horaire exact en ligne car, mal informés par notre hôtelier, nous nous sommes pointés à la gare à 7h30. Nous nous sommes rabattus sur les bus. Un premier bus de Badami à Kerur (fréquence inconnue, durée 35 minutes, prix 25 roupies), puis un deuxième de Kerur à Bijapur (toutes les 30 minutes, durée 2h30, prix… oublié). Attention, le deuxième bus arrive déjà plein et nous avons dû en laisser passer deux.
Dormir à Bijapur
Qui dit peu de touristes, dit peu d’hébergements. Comme, en plus, nous nous y sommes pris tardivement, en haute saison, nous nous sommes rabattus sur le bel hôtel Kyriad (~46€)i. Comment cette chaîne française s’est-elle retrouvée ici ? Aucune idée. En tous cas c’est un peu cher pour l’Inde, mais cela fait plaisir d’avoir une chambre propre et confortable, pour changer !
Manger à Bijapur
Même si vous logez ailleurs, vous pouvez vous attabler au restaurant de l’hôtel Kyriad, appelé Haritam. Les plats sont bons et l’hygiène est impeccable. Nous vous recommandons surtout leur super buffet de petit-déjeuner (pastèque, dosas, idlis, curries…), lui aussi accessible aux gens de l’extérieur.
Sinon, dans le vieux centre de Bijapur, nous conseillons la chaîne spécialisée en dosas Anna Idli Grahu. Ce n’est pas diététique pour un sou, mais nous nous sommes régalés en commandant trois plats chacun !