Enchantés par notre circuit en Albanie du sud, nous comptons dessiner une deuxième boucle pour découvrir l’Albanie du nord. En chemin, au croisement de ce « grand huit » cartographique se trouve la capitale Tirana à laquelle nous consacrons sept jours. Une semaine qui ne nous laissera pas le temps de nous ennuyer, tant la ville recèle de surprises en tous genres !
Nous nous attendions à explorer une ville poussiéreuse et triste, qui n’aurait eu ni le temps ni les moyens de se réinventer suite à la période d’ombre dont le pays est récemment sorti. Pour vous donner une idée, il y a vingt ans à peine, les coupures d’électricité de six heures d’affilée étaient routinières et les Albanais avaient interdiction de voyager à l’étranger.
En 2019, la capitale que nous visitons a sauté à pieds joints dans la modernité. Nous découvrons une Tirana vivante, accueillante et surtout bien agréable en été, avec ses larges trottoirs, ses terrasses débordantes, sa rivière ceinte de verdure et les touches de fantaisie peinturluresque qui égayent ses murs par-ci par-là.
Les immeubles colorés, mêmes s’ils ne sont pas toujours évidents à repérer, égayent le paysage urbain depuis plusieurs années. L’occasion d’une chasse au trésor le nez en l’air. Ils font désormais partie de l’identité de Tirana, au point de voir un bâtiment officiel récemment transformé en paquet cadeau géant en plein centre. Pouf !
Vous êtes prêts à faire connaissance avec les autres surprises de Tirana ? Hydratez-vous, enfilez une casquette et suivez-nous sous son soleil ardent !
La place Skanderbeg, au centre de Tirana
S’il n’y a qu’une seule place à retenir à Tirana, il s’agit de Skanderbeg. Cette vaste dalle de marbre a su s’entourer des bâtiments emblématiques de la ville : opéra, musée national, mosquée, tour de l’horloge, ministères, tout y passe. Saupoudrez de piétons et de cyclistes, entourez d’arbres et de fontaines puis ajoutez encore un joli jardin dans un coin, vous y êtes. Nous avons bien du mal à croire qu’ici s’étalait un immense parking deux ans plus tôt.
Pour apprécier l’œuvre de plus haut, nous grimpons au sommet de la tour de l’horloge, rasée par chaque guerre au cours de l’histoire et systématiquement reconstruite (200 leks, ouverte le matin seulement).
La mosquée Et’hem Bey que vous apercevez au premier plan a eu plus de chance. Elle a survécu à la destruction massive des lieux de culte sous la dictature communiste. Nous supposons que c’est son intérieur réputé magnifique qui l’a sauvée, malheureusement nous ne pouvons pas l’admirer nous-même car il est en rénovation.
En parlant de mosquée et de travaux, une consœur sur le point d’être achevée dépasse des arbres à trois cents mètres de là : la mosquée de Namazgâh. Elle nous rappelle la mosquée bleue d’Istanbul en version réduite. Ce n’est peut-être pas un hasard, il s’agit d’un cadeau de la Turquie à l’Albanie.
Nous aimons surtout la place Skanderbeg le soir venu, lorsque les habitants ressortent s’asseoir sur une chaise à l’ombre d’un opéra ou d’un musée pour observer les passants.
Juste à côté se trouve la rue piétonne Rruga Murat Toptani habillée de grands arbres et idéale pour bouquiner ou siroter un jus de fruit en terrasse. La maisonnette bleue ci-dessous en presse de délicieux.
Pour finir avec la place Skanderbeg, des spectacles en plein air s’y tiennent fréquemment l’été. Nous aurons droit à trois concerts gratuits durant notre séjour à Tirana.
Le quartier de Blloku
Changement d’ambiance, à quelques minutes à pied du centre, avec le quartier de Blloku, réputé le plus « cool » de Tirana. Il était pourtant strictement interdit à monsieur et madame tout-le-monde durant la dictature, et pour cause, le dirigeant Enver Hoxha et sa clique résidaient là, festoyaient-là et même s’empiffraient de nourriture venue de l’étranger comme les sataniques hamburgers.
Depuis que la dictature a fait patatras, les Tiranais prennent leur revanche sur leur tyran en sortant et en s’amusant dans une flopée de bars et boîtes de nuit.
Côté nourriture, c’est ici que nous avons débusqué notre restaurant préféré, Ejona. Au milieu de la jeunesse moderne, nous nous sentons tout à coup bien loin des petites villes albanaises des jours précédents !
En journée, Blloku est beaucoup plus calme. Nous nous amusons à repérer les peintures qui recouvrent systématiquement les boîtes électriques, ainsi que quelques-uns des immeubles colorés de la ville.
Ce n’est pas tout, nous y apercevons de nombreuses boutiques bio ainsi qu’une palanquée de… cabinets dentaires. Apparemment Tirana serait réputée auprès de ceux qui ont une couronne à refaire, mais pas le compte en banque de la Reine d’Angleterre.
Prendre une bonne dose d’histoire
L’autre avantage à visiter Tirana, c’est aussi que nous rattrapons à grands pas nos lacunes sur l’histoire nationale. Même si vous manquez de temps, ne ratez pas le Walking Tour au pourboire (en anglais), nous l’avons trouvé passionnant. Virevoltant entre blagues et monuments, notre guide Eri nous raconte son enfance, la chute du communisme et la première bouteille de Coca-Cola dégustée en famille avant de se retrouver exposée sur le buffet du salon.
Nous apprenons enfin l’histoire des bunkers remarqués partout dans les campagnes. Comme bon nombre de pays d’Europe de l’Est, l’Albanie est passée du côté rouge après la seconde guerre mondiale. Sauf que ce cher Enver Hoxha, peut-être un peu trop orgueilleux, commence à se fâcher avec ses alliés un par un. Après avoir traité des Russes de faux communistes, tout de même, il se demande s’il n’a pas poussé le bouchon un peu trop loin. C’est à ce moment-là qu’il fait pousser 168 000 de ces champignons de béton pour se défendre en cas d’attaque soviétique. Sur un pays grand comme la Bretagne, c’est pas mal.
Le despote reste encore un moment ami avec les Chinois, avant de se brouiller à nouveau. Résultat, le pays se replie totalement sur lui-même, façon Corée du Nord, bloquant ses frontières et s’appauvrissant doucement. Mais toutes les mauvaises choses ont une fin et Hoxha trépasse en 1985.
Pendant une dizaine d’années, ses successeurs tentent de reprendre le flambeau. Ils font même bâtir une pyramide pour abriter la dépouille du despote et octroient un jour de congé annuel à chaque citoyen pour s’y recueillir. Hmmm… ce n’est pas un terrible succès, si nous en jugeons par l’état du mausolée aujourd’hui.
Sur les conseils de notre guide, nous visitons la Maison des Feuilles (700 leks). Il s’agit d’un bâtiment sinistre, caché derrière de grands arbres, qui abritait le siège du Sigurimi durant la sale période, c’est-à-dire la police des mises sur écoute, tortures et autres joyeusetés.
Le musée met en lumière le difficile travail d’ouverture des archives et de prise de recul, qui débouchera peut-être un jour sur un grand procès.
Toujours sur ce thème de l’histoire récente, nous enfilons de gros pulls et explorons les Bunk’Art. Il s’agit de deux anciens bunkers version XXL destinés à protéger les dirigeants en cas d’attaque, transformés depuis, eux aussi, en musées. Claustrophobes, s’abstenir !
Le Bunk’Art 1 est le plus grand et le plus impressionnant, avec ses couloirs sombres, ses bureaux conservés en l’état, un vaste auditorium et une bande sonore oppressante à souhait. Comptez une à deux heures sur place, suivant l’intérêt que vous accorderez aux explications très fournies sur l’histoire du pays. Dans l’une des pièces, un lâcher de (faux) gaz moutarde glace le sang. Brrrrrr…
Ce bunker se situe loin du centre-ville, mais combiné avec le téléphérique de Dajti, c’est idéal. Nous glissons quelques indications sur les transports en fin d’article.
Les voyageurs qui disposent de moins de temps peuvent se satisfaire du Bunk’Art 2, situé en plein centre de Tirana, à côté du paquet cadeau. Il est plus petit mais pas ridicule non plus, avec une trentaine de salles.
Ici les explications ont pour fil conducteur l’histoire de la police albanaise. N’hésitez pas à passer rapidement les premières salles un poil rébarbatives pour vous attarder dans les dernières, qui abordent le Sigurimi et complètent la visite de la Maison des Feuilles. Encore une fois, l’ambiance de ce frigo de béton est glaçante !
Pazari i Ri, le marché central
Il est temps de remettre un peu de joie dans cet article. Et pour cela, rien de mieux que le quartier coloré du marché central, le Pazari i Ri.
En son centre, sous une moderne halle de verre et d’acier, les commerçants vendent fruits, légumes, miel, huile d’olive et… à peu près tout ce qui se concocte dans le pays. Nous en repartons avec un kilo de prunes et trois kilos de sourires.
Autour, de nombreux cafés et restaurants viennent compléter l’ambiance avec leurs terrasses animées. Une bonne façon de profiter de Tirana en été.
Pour poursuivre sur les sujets gourmands, impossible de ne pas remarquer les nombreuses et belles boulangeries de la capitale. Nous qui n’aimons rien tant qu’un pain doré, nous sommes servis.
Mais nous découvrons un autre petit plaisir que nous ne pourrons plus nous arrêter de croquer : les kritsinia, sortes de gressins aux graines. D’ailleurs nous quitterons Tirana avec des réserves pour au moins cinq jours.
La nature à Tirana : parc et montagne
Quand bien même la ville est sillonnée d’artères à quatre ou six voies, il suffit de prendre un chemin de traverse ou de contourner un immeuble pour découvrir un autre aspect de Tirana. Les vrombissements de moteurs s’évanouissent, les voitures se reposent en vrac sous les arbres, les enfants dévalent de leurs toboggans, des papis se lancent dans des tournois endiablés de dominos et des boutiques de trois fois rien vendent pommes et carottes pour… trois fois rien. Il ne faut vraiment pas hésiter à quitter les grands axes et à farfouiller un peu.
Mais ces quelques arbres pourraient ne pas suffire aux âmes en mal de vraie nature. Pour elles, nous recommandons un tour dans le Grand Parc, c’est son nom. Sans surprise, il est grand, mais aussi vert, vallonné et juxtaposé à un lac paisible. Un lieu idéal pour se détendre, se dégourdir les jambes ou étancher sa soif avec un café frappé.
Vous n’êtes toujours pas rassasiés en verdure ? Ne bougez pas, nous avons ce qu’il vous faut ! Comme nous le répétons depuis que nous sommes en Albanie, la montagne n’est jamais bien loin et Tirana ne fait pas exception.
Après la visite du musée Bunk’Art 1, celui qui se trouve loin du centre, nous enchaînons avec un coup de téléphérique qui hop, nous dépose sur la montagne Dajti.
Là-haut, nous comptons randonner mais ne trouvons d’abord aucun sentier. Seulement des cafés, des restaurants, un gros château gonflable, un stand de tir à la carabine, un mini-golf et Jean passe (car Jean nuit). Nous finissons par découvrir que le château en plastique bedonnant masque le chemin que nous cherchons. Et nous voilà dans le parc naturel.
Nous suivons un panneau qui indique le col de Qershia, grimpons brièvement dans la forêt puis tombons sur un chemin plat et facile que nous adoptons immédiatement. Au bout de trente bonnes minutes, nous avons un moment d’hésitation face à un sombre tunnel, que nous empruntons finalement. Bien nous en prend, car le point de vue à la sortie vaut son pesant d’or ou de cacahuètes, comme vous préférez. Personnellement, nous avons une petite préférence pour les cacahuètes lorsqu’elles sont grillées.
Nous n’avons pas poursuivi au-delà, vous nous raconterez. Dans tous les cas, cette promenade ombragée est un bon moyen de se rafraîchir lorsque la canicule sévit à Tirana !
Notre avis sur Tirana
Tirana est une ville qui nous a emballés ! Elle est à la fois pleine d’énergie, de piétons, de terrasses de cafés, de vie nocturne et… agréablement zen, à l’image du pays. Elle ouvre aussi sur une version moderne de l’Albanie que nous n’avions pas ou peu aperçue dans les petites villes de province. Enfin, c’est une excellente étape pour en apprendre davantage sur l’histoire et la culture du pays.
Conseils pratiques pour visiter Tirana
Transports de Pogradec à Tirana
Un fourgon part toutes les 30 minutes, de 7h à 11h. Durée 3h30, prix 500 leks.
Se loger à Tirana
Le rapport qualité/prix des logements est très bon, en particulier sur Airbnb si vous restez trois nuits ou plus, mais nous avons aussi testé la version hôtel lorsque nous sommes repassés à Tirana en coup de vent deux semaines plus tard.
Sur Airbnb, nous avons loué ce superbe appartement pour une semaine (~28€ la nuit)i. Il est grand, bien équipé, très confortable et situé à 20 minutes à pied de la place Skanderbeg. Nous serions bien restés un mois ou deux ! PS : si vous ne disposez pas encore d’un compte Airbnb, nous pouvons vous parrainer pour vous faire économiser 37€ sur votre premier séjour.
La seconde fois, nous avons choisi une chambre au B&B Vila 21 (~30€, petit déjeuner compris, réservation ici)i, situé près de la station de bus internationale et bien relié au centre en transports en communs. Les chambres sont simples mais très propres et le gérant n’est pas avare de conseils.
Manger à Tirana
De façon générale, nous n’avons pas été emballés par les restaurants tiranais, où la nourriture locale laisse souvent place aux burgers et compagnie, mais voici deux bonnes découvertes.
- Pour des plats typiquement albanais revisités de façon moderne, vous pouvez vous diriger vers Luga e Argjendte, au cœur du « château de Tirana ». Comme souvent en Albanie, en tant que végétariens, nous avons privilégié les (copieuses) entrées aux plats. Nous en avons commandé plusieurs à partager et nous sommes régalés !
- Une autre excellente adresse est Ejona, qui cuisine notamment des pâtes délicieuses. Exemple : raviolis patates-truffe au duo de tomates cerises et tomates séchées. Comptez 400 leks le plat et 150 leks le verre de vin. La terrasse est charmante en soirée et les serveurs sont particulièrement enjoués.
Pour prendre un verre :
- L’après-midi, rendez-vous à la cabane bleue de la rue piétonne Rruga Mura Toptani pour un jus de fruits fraîchement pressé.
- En soirée, nous avons beaucoup aimé les cocktails du Colonial Bar, un joli lieu plébiscité par les jeunes Albanais. Comptez environ 700 leks le cocktail.
Se déplacer à Tirana
Il est très facile de parcourir une grande partie de la ville à pied. Pour les distances plus longues ou lorsque le soleil tape trop fort, de nombreux bus quadrillent Tirana. Nous n’avons pas trouvé de plan, mais les lignes sont finalement assez simples : repérez les grands axes sur une carte et la direction générale qu’ils suivent, il y a forcément une ligne de bus qui réalise ce trajet, à une fréquence élevée. D’où l’intérêt de loger près de l’une des grandes artères.
Rejoindre Bunk’Art 1 et le téléphérique Dajti
Le musée et le téléphérique se situent à environ quatre cents mètres l’un de l’autre et se rejoignent en bus depuis le centre-ville. Pour cela, rendez-vous juste derrière la place Skanderbeg (ici exactement) et montez dans le bus en direction de Porcelani. Départ toutes les 10 minutes, prix 40 leks, durée 20 minutes. Demandez à l’assistant du chauffeur de vous indiquer l’arrêt. Quant au téléphérique, il coûte 1000 leks l’aller-retour et démarre à 9h le matin.