Après nous être empli les yeux de turquoise sur la Riviera albanaise, nous nous attardons dans le sud de l’Albanie, tout près de la Grèce. L’occasion de visiter la fameuse ville de pierre de Gjirokastër, puis de découvrir la bourgade moins connue de Përmet.
En route pour Gjirokastër !
Alors que nous attendons le bus à Himarë, un taxi Mercedes d’un autre temps fait irruption. L’homme aux cheveux gris qui s’en extrait vient de déposer des clients et il nous offre un bon prix pour éviter de rentrer vide jusque la ville de Saranda. Joyeux, il nous présente tout ce qui passe devant nos fenêtres. Il pile même au niveau d’un stand et nous achète… des concombres à grignoter.
Plus tard, notre route croise des sources d’eau réputées comme les plus pures du pays. Des voitures s’arrêtent pour remplir des dizaines de bonbonnes, puis repartent avec l’arrière-train qui râpe le sol.
Une fois à Saranda, il ne nous reste plus qu’à nous enfourgonner dans un fourgon afin d’atteindre Gjirokastër. Nous ne risquons pas de nous tromper, au moins cinq aimables habitants s’autoproclament anges gardiens et guettent le bus à notre place.
Gjirokastër, son bazar, son château
Cela devient une habitude en Albanie, notre nouvelle maison d’hôtes nous accueille avec un petit réconfortant. Ici, le raki est accompagné de peau de pastèque confite (rien ne se perd !) qui croque sous la dent et anesthésie le feu de l’alcool. Nous découvrons par la même occasion la terrasse, avec une vue idéale sur le vieux château de Gjirokastër.
Avant de nous lancer à l’assaut de la forteresse, nous commençons par visiter la partie la plus animée de la vieille ville : le Bazaar. Qui est en ce moment… en bazar. Il subit un lifting de grande ampleur, tous ses pavés sont en vrac et la poussière vole. Cela n’empêche pas les commerçants d’ouvrir leurs devantures de bois assorties à celles des voisins, ni les Albanais de siffler des cafés comme si de rien n’était.
Nous tendons l’oreille… mais oui ! Par les fenêtres de l’un des bistrots, un chœur d’une douzaine de papis nous sert des polyphonies très réussies. À chaque fin de partition, ils trinquent bruyamment, lèvent le coude bien haut et reprennent de plus belle.
Nous atteignons le château à l’issue d’une éprouvante grimpette sous le parfum des figuiers (à ne pas confondre avec les fuguiers), dont les fruits finissent en marmelade sur les pavés.
La visite de la citadelle débute par une longue galerie de voûtes qui abritent une collection de canons, d’un ennui aussi mortel que leur usage. À l’extrémité, oh joie, le panorama s’ouvre sur la vaste vallée !
Du haut de notre piédestal, Gjirokastër paraît d’une autre époque. Des murs blancs et leurs ardoises grisonnantes recouvrent des pans de collines, entrecoupées d’arbres. Quelques maisons grand format attirent notre attention, nous en reparlerons.
Le soir, à la table d’un restaurant du vieux centre, nous retrouvons avec bonheur des spécialités d’influence turque découvertes dans le Caucase, dont le bien-nommé « L’imam s’est évanoui ».
Autres vieux quartiers de Gjirokastër et maisons-tours
Le lendemain, nos découvertes reprennent en remontant de plus belle. Nous atteignons d’abord un quartier appelé Old Bazaar. Le pauvre n’a pas eu droit au même traitement que son cadet touristique, il tomberait presque en ruines.
Un tunnel secret qui coupe sous le château ouvre de nouvelles possibilités de balades.
D’en bas, la citadelle semble posée au sommet de Gjirokastër, or ce n’est pas le cas. Au rythme d’une tortue ou d’un habitant sous la chaleur estivale, au choix, nous prenons la direction du ciel et dégotons ce genre de vue :
Dans notre lancée, nous poursuivons jusqu’au point le plus haut du village. Cette zone ne semble habituellement pas montrée aux touristes, sale, puante, presque une décharge. Cependant, sous nos nez bouchés apparaît un minuscule pont qui serait l’ancien aqueduc bâti par Ali Pacha, un chef de guerre ottoman si haut en couleur qu’Alexandre Dumas lui attribua un rôle dans le Comte de Monte-Cristo.
Un homme passe avec trois ânes et s’enfonce dans les montagnes. Si vous êtes en manque de randonnée, l’exploration de ce secteur pourrait peut-être vous intéresser.
Pour nous, il est temps d’admirer de plus près les volumineuses maisons-tours, appelées ainsi en raison de leurs rez-de-chaussée fortifiés.
Nous en visitons deux en commençant par la Skenduli House, confisquée sous la dictature communiste puis rendue à ses propriétaires. Un membre de la famille propose un tour guidé et explique les détails de chaque pièce, assez surprenants. Ses ancêtres vécurent jusqu’à vingt-cinq sous le grand toit, tandis qu’une salle supplémentaire richement décorée permettait d’accueillir les invités. Les architectes se sont visiblement creusé le ciboulot pour que les convives, forcément des hommes, ne puissent jamais apercevoir les femmes de la famille. Prix 200 leks, photos interdites.
Le gouvernement post-communiste s’étant retrouvé privé de son musée, il a fait l’acquisition de la Zekate House, très similaire à la première, y compris pour le tarif d’entrée. Elle s’avère un brin moins belle et n’a ni visite guidée, ni explications, cependant les photos y sont autorisées.
Et comme nous la visitons seuls, nous pouvons prendre le temps de jouer au guet depuis la terrasse, qui servait à la fois de poste de surveillance et de salon estival.
La verte vallée de l’époque abrite désormais une flopée d’immeubles de l’ère communiste, moins typiques que les maisons de pierre. Avec de bons yeux, vous pourrez cependant repérer au milieu d’eux un bâtiment moderne qui reprend le design des vieilles maisons-tours !
N’hésitez pas à marcher dans cette ville nouvelle, vous découvrirez une toute autre facette de Gjirokastër, moderne et animée, en particulier sur le Bulevardi 18 Shtatori en soirée.
Notre avis sur Gjirokastër
La « ville de pierre » d’Albanie ne manque pas de charme avec son architecture préservée, ses ruelles fleuries, ses vues panoramiques, ses habitants en terrasse. Sans oublier ses restaurants qui savent parler aux gourmands. Si vous êtes pressés, un seul jour peut suffire. De notre côté, nous avons adoré y flâner trois jours durant.
Conseils pratiques pour visiter Gjirokastër
Transports entre Himarë et Gjirokastër
Pour venir depuis Himarë ou les autres villes de la Riviera, il est nécessaire de changer à Saranda. Sur la première partie du trajet, un taxi nous a proposé quasiment le tarif du bus, à savoir 500 leks par personne. Durée 1h30. Une fois à Saranda, nous avons enchaîné avec un bus qui affichait Berat, c’est lui qui marque l’arrêt à Gjirokastër. Prix 300 leks, durée 1h20.
Visiter le château de Gjirokastër
Officiellement, les horaires de visite courent de 9h à 18h, or ils semblent prolongés jusqu’à 20h30 en été. Parfait pour apprécier le coucher de soleil ! Le tarif est de 200 leks.
Manger à Gjirokastër
Nous avons plusieurs bonnes adresses à vous conseiller dans cette ville !
- Le restaurant Taverna Tradicionale : un lieu comme nous les aimons, tout simple, avec une petite terrasse serrée mais une cuisine généreuse. La moussaka aux légumes est délicieuse, par exemple, tout comme les aubergines et les poivrons farcis.
- Le Tradicional Odaja, situé dans le vieux centre, aligne beaucoup plus de tables. C’est ici que vous pourrez goûter entre autres à « l’imam s’est évanoui », sorte de ratatouille que nous avions découverte de l’autre côté de l’empire ottoman, en Azerbaïdjan.
- Pour un déjeuner expéditif, vous pouvez vous rendre chez Simple, qui propose notamment des byreks (dont nos préférés à la citrouille). Ou bien visez n’importe quelle enseigne qui affiche « byrek ». Ils sont délicieux et il y a presque toujours des options végétariennes telles que tomates-oignons, épinards ou encore poireaux.
- Enfin, le meilleur dîner de notre séjour à Gjirokastër était celui cuisiné par la grand-mère de notre auberge : feuilles de vigne, boulettes de riz traditionnelles, soupe aux légumes, frites maison…
Dormir à Gjirokastër
L’offre de maisons d’hôtes est large et bon marché à Gjirokastër. Nous avons adoré la nôtre, l’une des meilleures et pourtant des moins chères de notre séjour en Albanie : la Friend’s Guesthouse & Hostel (~23€ la chambre double avec petit déj, 10€ le lit en dortoir, réservation ici)i. La localisation est très pratique, la terrasse offre une vue dont on ne se lasse pas, la grand-mère cuisine vraiment bien et la famille entière devance tous les désirs de ses hôtes.
Përmet, ville de campagne sans prétention
À bien y réfléchir, ce sont les villes les moins touristiques qui nous auront le plus rapprochés des Albanais. Et Përmet, notre étape suivante, en fait partie : rien d’incroyable à découvrir, des visiteurs qui se comptent sur les doigts d’une demi-main, mais toujours ce vent de zénitude et cette pluie de sourires.
Soixante-dix minutes de bus et une brochette de collines plus tard, nous voilà déposés au cœur de Përmet. Ici, les maisons de pierre ont laissé place à des bâtiments plus élevés. Cependant, et c’est une constante en Albanie, les urbanistes et les jardiniers n’ont pas chômé pour offrir un lieu de promenade digne de ce nom à leurs concitoyens.
Autour, les rues prennent rapidement des airs communistes, c’est-à-dire avec de vieux immeubles en manque de rénovation. Ces quartiers « craignent-ils » pour autant ? Pas le moins du monde, les rez-de-chaussée abondent de petits commerces et l’Albanie est l’un des pays les plus sûrs d’Europe.
C’est au milieu de ces tours que nous trouvons notre nouvelle maison d’hôte. Cette fois, en guise de cadeau de bienvenue, des noix confites atterrissent sur des petites cuillères.
La gérante nous présente l’incroyable terrasse qu’elle a aménagée sur le toit, peuplée de coussins, hamacs et chaises longues, le tout à l’ombre d’épaisses vignes qui portent le raki de l’année suivante. Les Albanais ont le chic pour créer des lieux agréables à partir de trois fois rien.
Mais alors, qu’avons-nous donc fait à Përmet ? Eh bien nous nous sommes baladés ! D’abord le long de la rivière, où une promenade a été plantée avec bancs et jeux pour enfants.
L’énigmatique rocher du bout, probablement venu de l’espace, s’escalade via un escalier brinquebalant. Il offre un sympathique point de vue sur Përmet et la colline qui domine la ville.
Cette dernière est justement l’objet de notre deuxième balade. Nous repérons au-dessus de Përmet un vieux village appelé Lipa, l’occasion de nous dégourdir les jambes. Après une bonne suée, nous atteignons ses vieilles pierres que nous explorons doucement, en profitant de l’horizon dégagé…
Seulement voilà, nous tombons nez à truffe avec un molosse assoupi qui relève immédiatement la moustache. GRRRRRRRR…
Un homme surgit et le rattrape en un clin d’œil. Sans lui, nous finissions en croquettes. Nous sympathisons et il nous ouvre le portail de son potager. De fil en aiguille, Pietro nous présente sa femme, puis nous mène chez ses voisins. Nous n’avons pas un seul mot en commun, ils parlent albanais et grec, nous anglais et italien, cependant la discussion durera plus d’une heure, à grand renfort de gestes, d’éclats de rire et de verres de raki. Sans parler du miel récolté du jour qu’ils nous font goûter ni des « gliko », les fameuses noix confites.
Lorsqu’après le troisième verre nous finissons par déclarer notre amour pour leur pays, ils nous répondent la bouche en S que oui, l’Albanie est idyllique pour les touristes, mais pas pour les Albanais… D’ailleurs, leurs enfants de nos âges sont partis construire leurs vies à Gênes et à Londres.
À la nuit tombante, nos nouveaux amis nous raccompagnent à Përmet en 4×4. Heureusement, car nous croisons une meute de chiens de bergers, tous plus énervés que le premier. Pour cette raison, nous recommandons de ne pas nous imiter et de ne pas grimper à Lipa. Ailleurs en Albanie, nous n’avons pas rencontré ce problème.
Bënjë, son pont ottoman et ses piscines naturelles
Si nous sommes venus à Përmet, c’est surtout en raison d’un site naturel à quelques kilomètres de là : Bënjë. Nous y fonçons dès le lendemain matin.
Là, au creux d’une vallée, se trouve un surprenant pont ottoman. Il a beau sembler frêle comme une brindille, il tient bon depuis des siècles. D’habitude, l’eau qui passe entre ses jambes est bleu clair, mais un orage récent l’a teintée de boue.
En parlant de boue, juste à côté se trouvent deux bassins semi-artificiels où barbotent quelques personnes. Nous les imitons sans mal, l’eau titre à 30°C grâce à une source chaude qui l’alimente. Et tout comme elles, nous grattons un coin du bassin et enduisons notre peau d’argile fraîche, censée faire disparaître les impuretés.
Rajeunis de dix ans, nous partons explorer le canyon qui s’ouvre à nous. Il est possible de remonter la rivière les pieds dans l’eau et de trouver une place sur un rocher pour étaler sa serviette, mais nous n’avons pas les chaussures adéquates. Nous prenons plutôt de la hauteur et nous engouffrons dans une belle forêt méditerranéenne, accompagnés du chant apaisant des cigales.
Pour ceux qui souhaiteraient suivre nos traces, nous avons trouvé notre plus beau point de vue ici.
Notre avis sur Përmet
Même si nous gardons un excellent souvenir de la bande d’amis qui nous a offert l’apéro, il faut reconnaître que Përmet n’a pas d’intérêt particulier. En revanche, Bënjë mérite un arrêt sur la route (si votre emploi du temps vous le Përmet) pour quelques heures de baignade.
Conseils pratiques pour visiter Përmet et Bënjë
Transports entre Gjirokastër et Përmet
Jusqu’au prochain remaniement d’horaires, les fourgons partent de Gjirokastër à 10h, 12h et 13h. Le point de départ se situe à 100m du rond-point principal (ici). Prix 300L, durée 1h15.
Transports entre Përmet et le pont de Bënjë
Le mari de notre hôte a proposé de s’improviser taxi pour 10€ l’aller-retour, et 2 x 30 minutes de trajet. Une fois à Bënjë, nous avons découvert l’existence d’un bus public sur le parking. L’office de tourisme sur la place principale de Përmet devrait être en mesure de vous en fournir les horaires.
Restaurant
Le meilleur restaurant de la ville est sans aucun doute Trifilia. La nourriture est excellente (même une simple soupe de légumes est un délice !) et la terrasse est très agréable. Ne vous enfuyez pas devant le décor chic, les prix sont tout à fait corrects.
Dormir à Përmet
Nous avons choisi la Ilir Guest House (30€ petit déjeuner compris, réservation ici)i, gérée par une femme adorable. La terrasse est parfaite l’été pour une sieste dans un hamac ou un petit déj à l’ombre. Les chambres sont simples, sans charme, mais font l’affaire.
Bonus !
Connaissez-vous beaucoup de pays où les candidats au permis de conduire s’entraînent sur…
… une Mercedes ?