Connaissez-vous les trulli ? Un trullo, deux trulli. Ce sont des huttes de pierre traditionnelles coniques qui font la spécificité de la vallée d’Itria. Non contente d’être sublimée par ses trulli, cette zone des Pouilles possède également quelques villages blancs parmi les plus beaux d’Italie : Ostuni, Cisternino, Locorotondo, Alberobello et Martina Franca. En cherchant une alternative à la voiture nous est venue l’idée d’y voyager à vélo. Une boucle d’une centaine de kilomètres, répartis sur deux jours, qui restera le meilleur souvenir de notre mois dans les Pouilles !
Nous n’en étions pas certains avant de nous lancer dans ce circuit improvisé, mais nous pouvons maintenant vous l’affirmer : le cyclotourisme est le meilleur moyen de visiter la vallée d’Itria. Déjà parce qu’il est facile de se constituer un trajet qui n’emprunte que des routes calmes sur lesquelles les voitures se font oublier. Ensuite, parce que la campagne est diablement bucolique. Si vous aimez siffloter avec les oiseaux, elle est faite pour vous !
Ce n’est pas tout. Les fameux villages blancs des Pouilles sont bien répartis, ni trop proches ni trop éloignés, et constituent alors des étapes idéales, avec tout ce qu’il faut de terrasses de restaurants et de glaciers artisanaux pour refaire le plein de carburant.
Nous avons glissé notre itinéraire précis sur une carte en fin d’article, mais en attendant, place au récit. Allez, en selle Estelle !
Ostuni, première ville blanche des Pouilles : ça commence fort !
Nous avons organisé cette escapade à vélo dans les Pouilles depuis Lecce, notre ville d’adoption pendant un mois (lire l’article sur nos bonnes adresses à Lecce). Cette élégante cité se situant à 70km de la non moins splendide vallée d’Itria, nous trichons et démarrons notre premier jour par un rapide coup de train. Le loueur de vélo que nous avons choisi est basé à Ostuni, dans la haute ville, mais il propose d’apporter gratuitement les vélos à la gare, située 3km en contrebas.
Notre toute première étape consiste donc à atteindre le sommet de cette côte.
À un détail près : nous avons des vélos électriques ! En plein mois de juin, avec les températures qui avoisinent les 35°C et l’ombre qui se cache, nous avons joué la carte « flemme ». Dès les premières minutes, nous nous en félicitons.
Nous statıonnons nos bıcyclettes et vısıtons le centre-vılle d’Ostunı, quı met ımmédıatement les poınts sur les i : il est magnifique ! Surtout au petit matin, lorsque les boutiques ont encore le rideau baissé et que les autres touristes terminent leur grasse mat’.
Nous reviendrons dans le centre d’Ostuni le lendemain après-midi, métamorphosé par la foule mais toujours ravissant, avec les minuscules terrasses, le chemin des remparts et les belvédères sur la mer qui s’azure et scintille au loin.
Nous étions passés à Ostuni il y a une dizaine d’années et nous retrouvons la porte entourée de cactus qui nous avait marqués, devenue le symbole de la ville.
Le temps de jeter un coup d’œil au plafond de la petite Concattedrale di Santa Maria Assunta in Cielo, dont les fresques sont divines, et nous retrouvons nos montures. À bicyclette Henriette !
D’Ostuni à Cisternino
La pente dévalée nous dépose de l’autre côté d’Ostuni et nous prenons peur en empruntant notre première route de campagne : elle est criblée de trous et de pansements de goudron. Certes, c’est pittoresque, mais si nos deux jours se déroulent sur un asphalte aussi cabossé, nous risquons vite de prendre un nid de poule et d’y laisser des plumes.
Rassurez-vous, seules les routes autour d’Ostuni sont mauvaises, le reste de notre randonnée à vélo glissera comme sur… du cheddar.
Et bientôt… oh mais quelle est cette forme qui dépasse des pêchers ? Ne serait-ce pas notre premier trullo ?
Celui-ci fait office de cabane à outils, mais les trulli sont à l’origine des habitations pour les personnes pauvres et/ou les travailleurs agricoles saisonniers. Puis nous repérons notre deuxième, notre dixième, notre centième trullo, ils sont partout !
Certains n’ont pas été entretenus depuis des lustres, tandis que d’autres brillent d’une rénovation récente. Il y a les modernes, ajoutés pour habiller une maison neuve, ou encore ceux qui viennent par dix pour constituer un hôtel. Ceux aux pierres apparentes, ceux badigeonnés de blanc, les grands, les riquiquis, les épais… Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les trulli.
Cisternino : deuxième ville blanche, deuxième colline à gravir
Tout comme Ostuni précédemment, Cisternino joue à chat perché sur son promontoire. Et comme à Ostuni, le centre de Cisternino se pelotonne en un adorable lacis de ruelles, pour lesquelles le budget peinture blanche doit être élevé. Ici tout est plus petit, plus coquet, plus intimiste. Surtout, Cisternino est la cité des fleuristes. Il y a des pots absolument partout, explosant de couleurs. C’est probablement celui-ci, notre village préféré du circuit.
En revanche, le mot village n’a pas la même dimension en Italie qu’en France. Cisternino, par exemple, est appelé village alors qu’il compte près d’onze mille habitants. Ne vous étonnez pas de voir les centres historiques entourés d’immeubles beaucoup moins glamour. Mieux vaut prévenir que consoler !
C’est à Cisternino que nous déjeunons, dans le petit restaurant Micro qui sert des recettes végétaliennes originales et réussies. Puis hop, au guidon Léon !
De Cisternino à Locorotondo
Nous poursuivons vers l’ouest et dégotons d’excellents chemins sur lesquels pédaler est un régal. Autour de nous, beaucoup de cerisiers, noyers, abricotiers, oliviers, amandiers, figuiers, bref tout ce qui se termine en « ier ». Et d’innombrables fleurs de printemps, ainsi que des lézards et des papillons qui fuient devant nos roues.
Les grosses routes que nous croisons par moment sont chargées de voiture, tandis que les petites sont vraiment tranquilles. Et même si les Italiens du coin ont tendance à rouler vite, ils sont prudents et respectueux, s’écartent largement et patientent parfois longtemps derrière nous avant de doubler.
Locorontodo le jour, Locorotondo la nuit
Le village suivant est un nouveau délice de ruelles blanches inondées de fleurs. Un jardinier fou sévirait-il dans la région, doublé d’un peintre en bâtiment apôtre du blanc ?
Comme nous ne logeons pas très loin, nous nous attardons à Locorotondo, sympathisons avec un gang de papis qui bouffent leurs mots et mettent à rude épreuve nos leçons d’italien. Puis nous revenons en soirée prendre un verre sur une placette et nous promener dans le dédale de lanternes et de pavés de marbre.
Nuit entre Locorotondo et Alberobello
À l’heure où la campagne s’habille d’or et de vermeil, nous rejoignons notre maison d’hôtes située 4km après Locorotondo. Nous sommes seuls sur les chemins, entourés d’oliviers et de trulli en pagaille.
Notre Bed & Breakfast, qui s’appelle Trulli Carolii, est bien entendu agrémenté de trulli. Impossible d’y échapper lorsqu’on cherche un hôtel dans ce coin des Pouilles. Ou plutôt, c’est l’inverse : tous les touristes veulent dormir sous un cône !
Nous aurions bien aimé nous aussi, mais les prix montent en flèche. Par exemple, chez nos hôtes, la chambre sous trulli est à 70€ la nuit. Nous prenons celle d’à côté à 50€, un bon plan dans cette région où rien n’est donné. À ce prix, nous profitons d’un grand studio tout confort, avec cuisine et coin salon. Parfait pour recharger nos batteries.
Alberobello, la capitale des trulli
Le lendemain, les jambes nous démangent dès le réveil. Nous sautons sur nos montures et visitons Alberobello, qui n’est qu’à 6km, avant le petit-déjeuner.
Nous hésitions à nous rendre à Alberobello car le village est réputé très très très touristique, au point d’accumuler des bouchons dans ses ruelles. Mais en débarquant à 7h30, nous passons une heure quasiment seuls dans la zone la plus mignonne, celle des trulli.
Nous avons beau savoir que cette foison de maisonnettes n’a plus rien d’authentique, elle demeure enchanteresse. Même l’église est constituée de trulli !
Traditionnellement, les trulli sont des maisonnettes de campagne isolées. Or, à Alberobello, un cageot entier de cornets de glace s’est renversé en pleine ville. Juste à côté de ce quartier nommé Monti se trouve une bourgade classique, avec des murs et des toits d’une ennuyante orthogonalité. C’est en grimpant dans ce quartier que nous obtenons la plus belle vue d’ensemble sur le village des Schtroumpfs.
D’Alberobello à Martina Franca
Nous repassons à notre chambre d’hôtes où nous attend un excellent petit déjeuner, servi dans un panier d’osier et dégusté sous l’olivier. Pour cela aussi, nous recommandons l’adresse.
Il est l’heure d’attaquer la route du retour vers Ostuni, en traversant cette fois deux villes moins connues : Martina Franca et Ceglie Messapica. Allez, à pédales Pascal !
Les blés sont bien mûrs, voire déjà fauchés, et les coquelicots prennent la relève. Le relief n’est jamais absolument plat, avec en permanence de légères montées ou descentes, mais pas de quoi faire transpirer nos moteurs électriques. Il n’y a qu’en approchant des villes qu’ils prennent un petit coup de chaud.
Martina Franca, une cité plus aérée
Au terme d’une nouvelle grimpette, nous attachons nos braves bêtes et visitons Martina Franca. Son centre n’est pas aussi croquignolet que celui des étapes précédentes, mais tout de même suffisamment pour que nous flânions avec plaisir entre les façades d’églises baroques et les places marbrées. Ah mais le voici, le changement le plus marquant : cette ville a su conserver de l’espace, à l’inverse des précédentes qui étaient tassées comme des espressi italiens.
Nous vous conseillons, ici comme dans toute la région des Pouilles, de saluer les petits vieux, voire de leur adresser quelques mots. L’un de nos nouveaux amis nous recommande une épicerie (La Dispensa) pour des panini à la demande, que nous dégusterons en pleine campagne. Comme il est de coutume en Italie, nous désignons des ingrédients et l’épicier constitue devant nos yeux le sandwich de nos rêves. Et c’est reparti. En vélocipède Alfred !
L’Aqueduc Pugliese et Ceglie Messapica
Pour rejoindre Ceglie Messapica, nous n’empruntons pas le chemin le plus direct. Nous avons repéré une piste cyclable cinq étoiles, toute neuve, qui impose un détour que nous sommes heureux de suivre. Elle s’appelle Acquedotto Pugliese, c’est-à-dire l’Aqueduc des Pouilles. Celui-ci a été édifié au siècle dernier pour abreuver le sud assoiffé de l’Italie. Tandis que l’eau s’écoule tranquillement dans les tuyaux enfouis, nous évoluons juste au-dessus, entre deux rangées de fleurs sauvages et des tourbillons de papillons multicolores.
Nous empruntons la piste expérimentale sur 9km seulement, mais elle devrait un jour faire partie d’une véloroute de près de 500km qui reliera la pointe du Salento à… Rome bien entendu, puisque tous les chemins y mènent.
En attendant, nous remarquons qu’un nuage gros comme une montagne se dirige droit sur nos trognes, suivi d’une traînée de pluie à faire fondre un anorak. Si nos calculs sont exacts, en accélérant de 31,74% nous l’éviterons. Dommage, nous adorerions prendre notre temps par ici, surtout avec les points de vue surélevés qu’offre l’aqueduc.
Nous évitons les gouttes de justesse et quittons la piste pour bifurquer en direction de Ceglie Messapica.
Ceglie Messapica est la moins belle des villes visitées et nous ne nous y attardons guère, sauf pour faire coucou au château qui siège en son centre. Nous sommes néanmoins surpris de constater que des installations lumineuses ont été bricolées un peu partout, probablement en prévision de la prochaine fête de San Glinglino.
À… euh… désolés, nous sommes à court. Ah si : en deux-roues Marilou !
De retour à Ostuni, fin du vélo !
À partir d’ici, des terrains en terre battue près des habitations nous interloquent. Ils ressemblent à des terrains de pétanque, mais la pétanque n’est pas italienne. Nous nous enquérons auprès d’un groupe de papis qui s’exercent aux cartes à côté de l’un d’eux : c’est pour le « gioco delle bocce ». Donc si, les Italiens jouent aux boules !
Enfin nous atteignons Ostuni et la boucle est, par définition, bouclée. Comme il nous reste un peu de temps avant notre train, nous nous désaltérons d’un caffè leccese qu’ils nomment ici caffè salentino. Puis nous partons en quête d’un hypothétique belvédère sur la ville, que nous dénichons à cinq minutes du centre. Une belle façon de parachever cette randonnée vélo, non ?
Une fois nos vélos restitués à la gare, nous rentrons à Lecce, fourbus mais heureux. En wagon Gaston !
La vallée d’Itria à vélo : bilan kilométrique et carte
Total : 96km +8km pour notre aller-retour à Locorotondo le premier soir. Soit 39km le premier jour et 65km le deuxième.
Et voici notre itinéraire sur une carte. Évitez de le suivre au mètre près, surtout dans les villes, car il s’agit d’un tracé dessiné de mémoire et non d’un enregistrement GPS. Hors des agglomérations, ce devrait être plus exact.
Notre avis sur cet itinéraire à vélo dans les Pouilles
Splendide, dépaysant, paisible… en un mot : génial ! Nous ne nous sommes ennuyés ni en pédalant, ni en visitant certains des plus beaux villages des Pouilles. Si c’était à refaire, nous ne changerions rien à notre itinéraire. De plus, point important à nos yeux, nous n’avons pratiquement pas eu de moments pénibles à côtoyer les voitures. Bref, la région se prête à merveille au cyclotourisme. Pour l’avoir rapidement visitée au cours d’un road trip en voiture dix ans plus tôt, nous avons eu l’impression d’en profiter cent fois mieux cette année en pédalant.
Conseil pratiques pour organiser son circuit à vélo dans la vallée d’Itria en indépendant
Vélo électrique ou classique
À la base, nous ne cherchions pas des vélos électriques, mais l’agence de location choisie ne possédait aucun vélo classique et nous proposait un bon tarif pour un électrique. Nous aurions pu nous en sortir avec des vélos classiques, mais avec le relief un peu vallonné, la chaleur ambiante et l’ombre rare, nous n’étions pas mécontents d’avoir ce coup de pouce. Cela nous a permis d’élargir notre circuit et d’inclure Alberobello et Martina Franca, que nous aurions zappés sinon.
Location de vélo dans les Pouilles
Nous avons étudié plusieurs agences de location de vélo avant de nous décider. Notre choix s’est porté sur l’agence Bike Crystal, basée à Ostuni. Leur site est en italien, mais vous pouvez réserver par email en anglais. Le tarif officiel est de 30€ par jour pour un vélo électrique +6€ pour les casques, les sacoches et les cadenas, soit 66€ les deux jours, dépôt et récupération à la gare d’Ostuni compris. Comme nous étions hors saison, nous sommes parvenus à négocier une ristourne. PS : ils ne sont pas au courant que nous tenons un blog, nous les recommandons en toute objectivité.
Les vélos étaient de bonne qualité et nous n’avons même pas vidé la moitié de la batterie chacun des deux jours. Certes nous avons utilisé le moteur avec parcimonie, mais c’est rassurant. Le seul bémol concernait la petitesse des sacoches. Elles convenaient tout juste pour nos affaires des deux jours. Si vous voyagez chargés, prévoyez un tendeur pour accrocher un sac sur le porte-bagages.
Autres agences de location envisagées, pour des vélos non électriques, toutes les trois à 40€ les deux jours :
- Madera Bike Tour via la boutique Longo Bike à 1km de la gare d’Ostuni.
- VeloService à Lecce.
- Un petit artisan réparateur de vélos à Lecce.
Bon à savoir, les tarifs baissent d’un cran si vous louez une semaine entière.
Venir à Ostuni en train depuis Lecce ou Bari
Ostuni se situe sur la ligne Bari – Lecce, à mi-distance des deux villes. Une vingtaine de trains régionaux réalisent ce trajet chaque jour et il n’est pas nécessaire de réserver. Les horaires sont disponibles sur le site de Trenitalia. Depuis Lecce, nous avons payé 5€70 pour 50 minutes de trajet. Il est possible de voyager gratuitement avec son vélo sur l’ensemble du réseau régional des Pouilles. Nous avons d’ailleurs repéré plusieurs cyclistes et pas loin de 16 emplacements prévus pour accrocher les bécanes.
Notre Bed & Breakfast entre Locorotondo et Alberobello
Nous avons dormi chez Trulli Caroli (50€ petit déjeuner compris, à réserver ici)i, tenu par une sympathique famille au cœur d’une campagne paisible. L’expérience globale était au top et notre studio parfait : grand, confortable et bien équipé.