Après Tataouine, notre road trip dans le sud désertique de la Tunisie se poursuit. Nous longeons les contours flous du Sahara pour rallier la ville de Tozeur, tout à l’ouest du pays, là où les collines s’aplanissent comme écrasées par le soleil et où les villages se font de plus en plus espacés.
Peu avant Tozeur, notre fidèle copilote Google Maps nous annonce un immense lac, le Chott el-Jérid. Chouette, de l’eau ! Et nous suivons, tout naïfs, la route qui coupe l’étendue en plein milieu. Ce léger détail aurait dû nous mettre la puce à l’oreille, car voici ce que nous obtenons en guise d’étang :
Même les plages de Normandie à marée basse sont moins vastes. Pas de panique, nous repérons l’eau plus loin, à l’horizon. Nous approchons… elle s’évapore. Nous nous retournons… elle est derrière ! Fichtre, l’effet mirage est redoutable dans ce coin.
Au cœur de l’ex-lac, plus une plante n’ose pousser. Et pour cause, une épaisse croûte blanche recouvre le sol. Nous sommes dans un authentique désert de sel !
À notre grande surprise, des trous au bord de la route sont remplis d’eau. Une eau rougeâtre, gorgée de cristaux de sel. Il suffit de creuser un peu pour la trouver. Le lac n’est donc pas totalement vide, il se réfugie sous la surface pour mieux supporter l’été. Astucieux.
Aux environs de Tozeur moins vingt-cinq, la fin du lac commence à s’annoncer. Nous apercevons les premières palmeraies, dansant d’abord sur les mirages, puis bien réelles. Ce sont quelque quatre cent mille palmiers-dattiers qui s’ébattent autour de Tozeur, produisant suffisamment de dattes pour en exporter dans toute l’Europe.
Tozeur, la ville de la briquette
À l’entrée, un panneau nous fait sourire : « Voir Tozeur et revivre ». Le parallèle avec Venise n’est finalement pas si ridicule. Il fut un temps où Tozeur était elle aussi un vaste comptoir de commerce, attirant les caravanes en provenance des quatre coins du Sahara, doublée d’un important centre culturel. Nous décidons de prendre le temps de revivre et posons nos bagages pour trois nuits.
La spécialité de Tozeur, après la datte bien sûr, est la briquette couleur sable. Les murs du centre en sont couverts, arborant au passage d’élégants motifs supposés diminuer la puissance du soleil. Tout stratagème est bon à prendre dans une région où le thermomètre s’amuse à frôler les cinquante degrés l’été.
La vieille médina est pratiquement déserte. Nous n’y croisons que quelques fugaces passants, ce qui nous permet d’admirer à loisir… toujours plus de briquettes et de motifs.
À la sortie de la médina, nous tombons sur un marché, très animé en cette fin de journée de Ramadan. Les pains, en particulier, se vendent euh… comme des petits pains. Même chose pour une étrange boisson jaune pâle transvasée de bidon en bouteille. Il s’agit du cherbet, une citronnade qui se sirote bien fraîche dès la rupture du jeûne.
Le plus étonnant dans tout cela est qu’à partir d’une certaine heure les femmes disparaissent de l’espace public. C’est à peine si nous en croisons une pour cent hommes. Nous les supposons en cuisine, en pleine préparation du festin du soir.
En dehors de la médina, nous ne trouvons pas beaucoup d’intérêt à Tozeur. Ah si, nous allions oublier sa palmeraie ! Repérer l’entrée principale est facile, de nombreuses calèches y stationnent en attendant d’éventuels touristes à promener. Nous préférons explorer les parcelles à pied et choisissons une entrée secondaire, qui nous permet d’échapper aux engrais que laissent les chevaux sur leur passage.
La balade est zen et apaisante, à l’ombre des arbres et le long des petits canaux d’irrigation. Nous croisons quelques phœniciculteurs (nous avons signé un partenariat avec Larousse pour vous faire acheter des dictionnaires) qui nous saluent chaleureusement ou s’arrêtent pour dire deux mots. Il faut juste prévoir des chaussures fermées, car le sol est jonché de palmes, pire qu’une fin de soirée au festival de Cannes.
Dommage que nous ne soyons pas en automne, la saison des récoltes, pour déguster les fruits bien frais. Il nous faudra revenir à une autre datte.
Plus tard, en cherchant une vue d’ensemble sur les palmiers, nous atteignons le parc Ras El Aïn au centre duquel trône un rocher artificiel faisant office de belvédère. Hélas, seule une infime portion de la palmeraie est visible, la majeure partie se cachant dans le lointain. Nous avons surtout vue sur un terrain de golf desséché, vestige des ambitions de Tozeur dans le tourisme de luxe, et sur quelques quads qui vrombissent en soulevant des nuages de poussière.
Canyons et oasis de montagnes : Midès, Tamerza et Chebika
Le deuxième jour, nous partons pour une journée de découvertes en direction de la frontière algérienne et des fameuses « oasis de montagnes » qui font la réputation de la région. Disons plutôt une matinée de découvertes, puisque nous quittons Tozeur à 6h afin de déjouer les brûlants rayons du soleil (et nous le recommandons à l’approche de l’été !).
Après la traversée d’un nouveau lac sans eau, nous déboulons dans une région plus cabossée, parsemée de palmiers. C’est simple, il suffit qu’un filet d’eau jaillisse d’une roche pour que des dizaines de ces gracieux arbres pointent leurs nez. Nous visitons les trois oasis les plus connues en commençant par celle de Mides, toute proche de la frontière algérienne.
Mides est un vieux village à deux doigts de s’écrouler, niché sur un promontoire rocheux et entouré d’une armée de dattiers. C’est déjà bien charmant, mais le plus impressionnant se trouve de l’autre côté du village : les dernières maisons sont littéralement posées au bord du vide, surplombant un canyon aux courbes délirantes.
Voilà un spot de pique-nique idéal, et cela tombe bien puisqu’un petit déjeuner traîne justement dans nos sacs.
Comme le village est encore tout endormi, nous en profitons pour admirer de près les collections des vendeurs, qui ne s’enquiquinent pas à remballer leur marchandise la nuit. À votre avis, qu’est-ce qui se vend dans une région aussi minérale ? Des cailloux bien sûr ! Des pierres en tout genre, dont de nombreuses roses des sables. Si les rumeurs affirmant qu’il s’agit d’urine de dromadaire fossilisée sont exactes, les braves bêtes semblent boire à leur soif dans la région.
Nous revenons sur nos traces pour visiter Tamerza, un autre village doublé d’une autre palmeraie et triplé lui aussi d’un canyon. Nous sommes cueillis dès l’arrivée par un habitant qui nous affirme qu’il est très compliqué d’atteindre le canyon. Nous le suivons à travers d’épais jardins et nous rendons compte qu’il nous écarte en réalité du chemin le plus évident, afin de justifier un pourboire élevé.
Amis lecteurs, voici un mode d’emploi pour visiter seuls. Entrez dans la palmeraie de Tamerza et garez-vous devant le restaurant appelé La Tente (ici). Marchez droit vers l’oued pendant 50m, passez le pont puis montez en traversant le magasin de souvenirs. Rapidement, vous obtiendrez la plus belle vue sur la palmeraie.
Ensuite, pour accéder au canyon, soit vous parvenez à débusquer ce petit sentier (visible en mode satellite uniquement) et vous descendez au fond du ravin en vous aidant de vos mains, soit vous admirez la cascade sous le pont et suivez l’oued sur une cinquantaine de mètres pour trouver l’entrée du canyon, qui n’est pas mal dans son style !
Au passage, nous remarquons à certains endroits de la falaise des bébés roses des sables. Tiens donc, les dromadaires urinent sacrément haut !
Notre guide aura au moins servi à une chose en nous désignant un hôtel, totalement saccagé. Celui-ci appartenait au « clan Ben Ali », l’entourage du président-dictateur destitué par la révolution de 2011. Le pire, c’est que Ben Ali est arrivé au pouvoir en prônant la lutte contre la corruption, avant d’en devenir le champion toutes catégories.
Enfin, nous tombons amoureux de l’oasis de Chebika. Non seulement elle est superbe, mais un agréable parcours y est aménagé. Il passe par l’ancien village, monte sur une colline et redescend le long d’un ruisseau aux reflets turquoise, formant par endroits de mini-piscines naturelles.
Durée de la promenade : une petite demi-heure. Là encore, nous sommes pratiquement seuls, à l’exception de quelques vendeurs. Vive la basse saison pendant Ramadan, car un site aussi enchanteur doit attirer beaucoup plus de monde le reste de l’année.
Pour achever cette belle matinée, nous croisons sur le chemin du retour une famille de dromadaires en liberté, occupés à fleurir le désert.
Notre avis sur Tozeur
Cette région est spectaculaire ! La ville de Tozeur en elle-même n’a pas un charme fou, mais les villages-oasis méritent le déplacement. Déboucher sur des palmeraies touffues et des cascades turquoise dans un univers aussi sec, on croit rêver.
Conseils pratiques pour visiter Tozeur et les oasis de montagnes
Route entre Tataouine et Tozeur
Depuis Tataouine, nous sommes pratiquement remontés jusqu’à Gabès en passant par Ouled Soltane (pour son ksar), Toujane (pour le paysage) et Matmata. Puis il ne reste qu’à suivre la P16 jusqu’à Tozeur. Comptez 6h de route, à moins de dépasser allègrement les limites de vitesse à la façon des excursions touristiques en 4×4.
Restaurant à Tozeur
La ville dispose de peu de choix, surtout en période de Ramadan. Nous avons dîné deux fois au restaurant Le Soleil où l’accueil est gentil, les plats sont corrects et la déco est particulièrement kitsch. Nous vous déconseillons fortement le resto italien La Fontana qui a réussi le double exploit de nous servir le pire plat de pâtes et la pire pizza de nos vies !
Dormir à Tozeur
Nous avons logé à l’hôtel Résidence L’Oued (~34€ la chambre double, réserver ici)i, qui dispose d’une belle piscine et d’une localisation pratique, à la fois en bordure de la palmeraie et proche du centre. Toutefois, les chambres sont vieillottes et le personnel est… impersonnel. Dommage.
Si vous avez un peu plus de budget, la Villa Fatima semble une meilleure option, notamment pour les bons dîners proposés sur place (~50€, réserver ici)i.
Sécurité
Nous avons un peu hésité avant de nous rendre dans cette région, car le site de France Diplomatie déconseille de s’approcher de la frontière algérienne. Finalement, la région de Tozeur est très touristique et ne présente pas de danger, même jusqu’au village de Mides. Ne vous amusez juste pas à franchir la frontière et jetez un œil aux mises à jour sur France Diplomatie.