Et voici déjà le dernier récit de notre voyage de deux mois en Inde du Sud ! Nous choisissons de passer une semaine complète à Pondichéry, histoire de finir en douceur.
Bien que la ville se trouve en plein milieu de l’État du Tamil Nadu, elle n’en dépend pas. Il s’agit d’une enclave, un territoire un peu à part. La faute aux Français qui le colonisèrent et y conservèrent longtemps un comptoir de commerce, jusqu’en 1962 pour être précis.
Pondichéry ou le retour en France prématuré
En débarquant dans le cœur de la vieille ville, nous sommes complètement déstabilisés. D’un côté, Pondichéry ne ressemble en rien à l’Inde que nous traversons depuis le début du voyage, mais nous ne nous sentons pas non plus en France. Toujours est-il que le charme s’exerce immédiatement. De jolies maisons colorées bordent les ruelles proprettes, des arbres exotiques poussent partout et des bougainvilliers en fleurs débordent des murs.
Ce qui nous marque probablement le plus, dans ce quartier dit « français » de la ville de Pondichéry, c’est que nous pouvons marcher sans être importunés toutes les trois secondes par la circulation. Pfiou, quel luxe en Inde !
Sans surprise, cette pépite multicolore attire les touristes. Une bonne dose d’Occidentaux, auxquels vient s’ajouter chaque week-end une foule de voyageurs indiens. Nous ne serions pas surpris que nombre d’entre eux soient en voyage de noces, petits couples flânant main dans la main en bord de mer.
Naturellement, parmi les Occidentaux, les Français sont nombreux. Nous-mêmes, pour une raison que nous ne parvenons à expliquer, nous attendions avec impatience de découvrir les dernières traces du passé français en Inde. Cela commence avec les noms des rues : rue Romain Rolland, rue Dumas, rue du Bazar Saint-Laurent, rue de l’Évêché…
Nous croisons par ici un monument aux soldats morts rédigé dans la langue de Molière, par là un bureau surmonté d’un écriteau « Douanes », quelques prières sur les murs d’une église… Sans compter les innombrables restos, cafés, magasins qui surfent sur la vague en choisissant un nom français. Il paraît même que les anciens jouent encore à la pétanque, mais l’histoire ne dit pas s’ils le font avec un verre de pastis à la main.
Est-ce que les habitants d’origine indienne parlent français ? Quelques-uns, mais pas en tant que langue principale. Ceux à qui nous parlons ont vécu quelques années en France avant de rentrer. Vous aurez plus de chances de croiser des Français sans lien avec l’Inde, expatriés ici pour profiter du climat et des mangues mûries à point.
Le lycée français de Pondichéry est célèbre pour être le premier à passer les épreuves du bac chaque année, fuseau horaire oblige. Attablés dans un café, nous entendons nos voisines lycéennes discuter de la prof de maths et du devoir à rendre pour le lendemain. Très déconcertant, aussi loin de la France !
Vu le nombre de beaux bâtiments encore debout, Pondy (c’est son surnom) ne devait pas manquer de moyens sous l’occupation française. Nous n’en finissons pas de repérer de belles villas et des palais pompeux, généralement agrémentés de jardins exotiques.
Nous découvrons sur l’un d’eux le drapeau de la ville-État : bleu, blanc, rouge, un rouet indien et, étrangement, deux fleurs de lys.
Plusieurs églises parfaitement entretenues siègent également dans la vieille ville. La plus coquette est celle de Notre Dame des Anges, vêtue de rose des pieds à la tête et tout aussi élégante à l’intérieur.
Nous rendons visite à une boulangerie (Baker Street) en nous attendant à une imitation française mal réussie… pas du tout ! Il y a des viennoiseries, du pain, des gâteaux, des chocolats, disposés dans les mêmes vitrines qu’en France. Mieux encore, ils vendent de la galette des rois. Une tarte à l’amande, expliquera le serveur à un client indien.
Les cafés et restaurants ne sont pas en reste, avec une décoration soignée, des terrasses qui incitent à flâner des heures et des plats redoutables qui mixent saveurs indiennes et françaises.
Passer de la France à l’Inde, sans passeport
Même si le quartier « français » sait se faire apprécier, nous en sortons à plusieurs reprises pour explorer le reste de Pondichéry. Les traces de la France s’effacent, nous sommes incontestablement en territoire indien et ce n’est pas pour nous déplaire !
Vous vous souvenez des kolams dessinés sur le pas des portes dans le Karnataka ? Ils sont ici aussi nombreux et encore plus colorés. D’autant que le nouvel an tamoul approche.
Nous approchons du temple hindou principal, l’Arulmigu Manakula Vinayagar Temple, bien plus impressionnant que les églises finalement assez classiques. Déjà, le quartier alentour bouillonne de vendeurs et d’animation, puis le temple lui-même est un grand méli-mélo de couleurs et de formes.
À l’intérieur, les Hindous se livrent à toutes sortes de rituels qui nous laissent perplexes. Que les prêtres se déplacent torses nus de fidèle en fidèle pour marquer leur front, à la rigueur. Mais que les croyants croisent les bras pour se boucher les oreilles et sautiller sur place, cela nécessiterait bien quelques explications. Nous remarquons même des femmes occupées à exploser des noix de coco de toutes leurs forces sur le sol. En termes de surprises, les églises se trouvent battues à plate couture !
En traversant l’ancien canal aujourd’hui vide, ou plutôt rempli de détritus, nous atteignons la partie la plus vivante de Pondichéry. Des magasins de tout et de rien se serrent le long des trottoirs presque inexistants, les scooters et rickshaws en profitent pour nous frôler et les déchets quasi absents des rues de la vieille ville jonchent à nouveau le sol.
Un détail nous amuse encore. Nous passons devant un générateur électrique tout neuf, il est bardé de traces blanches et rouges… exactement celles que les prêtres dessinaient sur les fronts dans le temple.
Les marchés de Pondichéry
Le dimanche, un marché s’installe sur la MG Road de Pondichéry, mais il fait beaucoup de bruit pour rien. Sous un méchant soleil s’alignent quelques stands qui vendent des tongs, des balais ou des vêtements sans grand intérêt.
Heureusement, quelques pas de côté nous mènent au marché aux fruits voisin, Goubert market. Il est à l’ombre, coloré et plein de sourires, un marché indien comme nous les aimons. Il est juste… un peu étroit !
« Promenade » en bord de mer
En retraversant le vieux centre, nous débouchons sur une avenue de bord de mer, la bien nommée Promenade.
Un début de plage donne envie de faire trempette, sauf qu’elle est coupée dans son élan quelques mètres plus loin par de gros blocs de pierre. D’après les journaux locaux, un chantier géant serait en cours pour donner à Pondichéry-sur-Mer une véritable plage d’ici 2020.
Cela n’empêche pas les Indiens de venir profiter des couchers de soleil. Même ici, sur la côte est, où l’astre se couche dans notre dos.
Curieux à l’idée d’admirer également un lever de soleil, nous nous tirons du lit vers 6h du matin. Nous nous attendons à être seuls et nous… hallucinons ! Toute la ville se donne rendez-vous sur la Promenade pour sa séance de sport quotidienne. Certains s’étirent, d’autres courent, mais la grande majorité marche, tout simplement. Attention, c’est du sérieux, personne n’est là pour bavarder !
Jamais nous n’avons vu cela ailleurs, ni en Inde, ni dans le monde. Mais le plus étonnant, c’est que la plupart des passants portent un bonnet, une cagoule, un cache-oreilles, une écharpe. Ils craignent apparemment que la fraîcheur hivernale ne les transforme en glaçons. Nous portons à peine un petit pull !
Auroville, dans l’ombre de Pondichéry
À une dizaine de kilomètres au nord de Pondichéry se trouve une étrange ville, Auroville, conçue de toutes pièces par une communauté d’utopistes internationaux. Elle a récemment fêté ses cinquante ans et peut s’enorgueillir d’avoir transformé son bout de désert en jardin. Il est possible de la visiter, mais nous apprenons que les habitants préfèrent que le tourisme ne se développe pas trop. Ce qui nous étonne, c’est qu’ils ont fait main basse sur les magasins de souvenirs de Pondichéry et qu’ils y vendent un artisanat onéreux et pas indien, ni de près ni de loin.
Plus troublant encore est l’Ashram de Sri Aurobindo, la communauté spirituelle presque sectaire à l’origine d’Auroville. Celle-ci est restée implantée dans Pondichéry et semble d’ailleurs être en train de racheter un par un les bâtiments du nord du quartier français pour les repeindre en gris. Doucement les amis, ne volez pas aux rues de Pondichéry toutes leurs couleurs ! Pour les curieux, le bâtiment principal de l’ashram peut se visiter. Au milieu d’un petit jardin, la tombe de la « Mère » est couverte de fleurs fraîches et entourée de dizaines de disciples qui méditent (photos interdites).
Excursion aux forts de Gingee
Dernière découverte indienne : nous nous lançons dans une petite expédition jusqu’à Gingee, une ville située à 1h30 de bus de Pondichéry. Près de celle-ci, trois collines fortifiées surveillent l’horizon. Ou plutôt surveillaient, puisque les dernières batailles remontent aux querelles de territoire entre Français et Britanniques, terminées depuis longtemps. Plus personne n’est là pour le protéger des invasions de… groupes scolaires !
Nous choisissons de grimper sur la plus haute colline, celle dont le sommet héberge le fort principal de Gingee et quelques autres surprises. L’ascension n’est pas particulièrement difficile, deux cents mètres de dénivelé. Si nous mettons une heure à atteindre le point culminant, c’est juste parce que nous craignons de nous liquéfier sous le soleil.
Le site est une belle claque visuelle. Nous en avons encore mal à la joue. À mesure que nous prenons de l’altitude, la vue se dégage sur les paysages alentour, des lacs, une jungle, des vestiges abandonnés…
En chemin, nous croisons les maîtres des lieux, une famille de macaques réputée enquiquineuse. Sur les conseils de précédents randonneurs, nous avons réclamé un gros bâton au vendeur de billets, qui s’est révélé bien efficace pour les garder à distance. Le bâton, pas le vendeur.
De la ville jusqu’au sommet, nous comptons treize murailles franchies, plus un pont-levis. Gingee n’a pas usurpé son qualificatif de forteresse la plus imprenable d’Inde !
Pour en savoir plus sur les indo-français de Pondichéry
Un soir, nous repérons un documentaire (« Two Flags ») diffusé dans le vieux « Pathé Ciné Familial ». Il met en lumière la situation très spéciale de centaines d’habitants de Pondichéry ayant la nationalité française.
En résumé, avant de quitter définitivement ce bout d’Inde, la France a laissé le choix à tous les Pondichériens de conserver la nationalité française au lieu de devenir indiens et des centaines de Tamouls l’ont acceptée. Un cadeau piégé puisqu’ils vivent maintenant en Inde sans être officiellement indiens. Un exemple ? Eh bien il leur est impossible de profiter de la gratuité des universités indiennes, or partir étudier en France leur coûterait un bras.
Un extrait (9 minutes) du documentaire est en ligne ici.
Notre avis sur Pondichéry
Voilà une ville qui repose en Inde ! Le quartier français est adorable et tout sauf stressant, presque exempt de circulation et de sollicitations. Le seul défaut de Pondichéry est le manque de points d’intérêt à visiter. Nous en avons rapidement fait le tour. Prenez donc cette ville comme une pause hors du temps, une sorte de dolce vita franco-indienne.
C’était le dernier article de notre voyage en Inde. Mais nous reviendrons. Amoureux de l’Inde un jour, amoureux de l’Inde toujours !
Conseils pratiques pour visiter Pondichéry
Transport entre Mahabalipuram et Pondichéry
Nous sommes montés dans le même bus public qui nous avait déposés à Mahabalipuram depuis Chennai. Il se prend au croisement à l’entrée du village. Passage toutes les 15 minutes environ, prix 91 roupies, durée 2h, pause devant un restaurant comprise. Malheureusement ce bus ne dépose pas dans le centre de Pondichéry, mais à 5km du quartier français. Nous avons enchaîné avec un rickshaw à 200 roupies.
Transport entre Pondichéry et Chennai
Pour rentrer à Chennai, nous avons emprunté un bus privé et climatisé, que vous pouvez donc utiliser dans l’autre sens. Le tarif n’est pas beaucoup plus élevé que le bus public. Réservation effectuée sur le site Redbus, à 262 roupies par personne. Il dessert plusieurs stations de métro à Chennai, ce qui est particulièrement pratique pour relier l’aéroport.
Où manger à Pondichéry
Vous n’aurez aucun mal à vous nourrir, mais les restaurants de fruits de mer ont tendance à pulluler sans laisser de place aux autres. Nous vous confions donc nos trois lieux préférés :
- Le Coromandel Café, une superbe ancienne demeure coloniale rénovée et dotée d’une terrasse de rêve. C’est chic, mais les prix restent très raisonnables (certains plats ne dépassent pas 5€) en regard de la qualité. Ah, ça fait plaisir de prendre son temps à l’ombre de plantes exotiques ! Les petits déjeuners sont également exquis.
- Dans un style plus simple mais tout aussi agréable, le café de la boutique Domus tenue par un Français propose une petite terrasse et des snacks légers mais bien pensés. L’endroit est idéal pour travailler à l’ombre avec prises et wifi.
- Et pour manger indien dans une ambiance de cantine indienne (c’est-à-dire sombre et archi-climatisée), le restaurant Surguru propose une belle liste de dosas, uttapams, idlis, etc. Mention spéciale aux apam kurma. Préférez le Surguru principal à sa succursale Surguru Spot, moins accueillante et moins fournie.
Où dormir à Pondichéry
Sur ce plan, Pondichéry a de quoi satisfaire tous les budgets, de l’auberge de jeunesse à la maison coloniale transformée en hôtel tout confort.
Nous étions contents de notre logement : la Suffren Residency (~31€)i. Une chambre simple, propre, climatisée et surtout située au cœur du quartier français. Nous aurions juste apprécié qu’elle ait un peu plus de charme, pour rester dans l’ambiance des ruelles alentour.
Lorsque vous vous apprêtez à réserver votre logement à Pondichéry, le point le plus important à vérifier est l’emplacement dans la ville. Le quartier français, aussi appelé « white town », est de loin le plus sympa (et le plus prisé !). Voir les hébergements situés précisément dans le quartier françaisi.
Se rendre à Gingee et grimper au sommet de la colline
Il faut aller au New Bus Stand, à 3km du quartier français, monter dans un bus à destination de Tiruvannamala et préciser à l’assistant du chauffeur que vous descendrez à Gingee (fréquence apparemment élevée, prix 57 roupies, durée 1h30). Autre solution : prendre un bus pour Tindivanam et changer pour Gingee. Une fois à Gingee, nous sommes grimpés dans un rickshaw jusqu’au fort situé 3km plus loin, 70 roupies. Notez son numéro afin de le rappeler au retour. Le billet d’entrée du site est à 300 roupies. Pensez à apporter beaucoup d’eau, car le soleil cogne fort.